Dès la première séquence le réalisateur nous plonge dans l’ambiance des années 50 en ouvrant son film en noir et blanc sur une soirée de gala aux personnalités portant smokings et robes du soir, chignon banane impeccable et collier de perles éclatant. C’est un des rares plans larges du film car le parti pris de Clooney est d’utiliser ensuite les mêmes valeurs de plans très serrés de la télévision de cette époque. Puis nous revenons 4 ans en arrière pour comprendre l’importance de cette soirée : la mise à l’honneur d’une équipe de 6 journalistes qui a bravé, dans son émission d’actualité télévisée See it know, le sénateur McCarthy dans sa chasse au communisme. Le vrai journalisme d’investigation battait alors son plein et un homme, Edward R. Murrow a osé dresser un réquisitoire en direct contre cette « chasse aux sorcières » qui tournait à l’inquisition et à la délation familiale.
La force du discours est appuyée d’une part par la frontalité des gros plans de David Strathairn dans le rôle de Murrow (absolument remarquable) qui parle souvent face caméra et d’autre part par son impassibilité car il n’esquisse jamais aucun sourire mais termine immanquablement sa prestation par un très appuyé « good night and good luck » teinté d’une touche de snobisme, une cigarette fumante à la main. La force de conviction du personnage est également accentuée par une photographie irréprochable et des gros plans éclairés façon Harcourt. De plus l’astuce d’utiliser uniquement des images d’archives pour les discours du sénateur McCarthy et une musique de blues qui nous berce, nous rapproche encore d’avantage de cette époque.
Chez CBS, la salle de rédaction transformée en studios de télévision, ne permettait pas de filmer le décor et l’équipe de cette émission travaillait avec les moyens du bord et dans la promiscuité les pieds dans les machines et le nez sur les boutons de contrôle. Cette longue et dense réflexion que constitue le film ne manque pas de nous renvoyer aux conditions de confort matériel des journalistes de télévision d’aujourd’hui et surtout à la « sincérité » de leur propos politiquement correct. « Bonjour et quelle malchance »
Corine Eugène dit Rochesson