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Cours Théologie et Cinéma à la Faculté de Théologie Protestante de Montpellier

23 janvier 2015
Méditation sur Melancholia, film de Lars von Trier (2011)

1. Deux thèmes en résonance 

Méditer sur ce film ouvre sur 2 pistes qui s'entrecroisent en permanence. La dimension psychologique exprimée par le titre du film : MELANCHOLIA, signifiant 'bile noire', renvcyant à un renfermement individuel avec état dépressif. Et par ailleurs la dimension cosmologique, de fin du monde par l'annonce d'un choc probable entre la planète Saturne (dite Mélancholia) et la Terre.

Au départ, c'est surtout Justine la mariée, soeur de Claire, qui paraît intéressée par cette annonce d'un problème de planètes pouvant détruire notre planète Terre. C'est elle qui est la plus sensible à ce problème, préoccupée et intéressée par cette nouvelle, plus présente à cela petit à petit, qu'à son mariage. Elle sort de nuit, quittant la soirée festive, pour regarder le ciel. Elle n'arrive visiblement pas à se laisser prendre au plaisir de célébration festive de son mariage. Et pourtant sa soeur Claire a tout organisé pour que c tte union transforme la vie de sa soeur Justine, et la rende enfin heureuse.

Il y a une suite à cette soirée de mariage échoué, à cette union sans avenir. C'est l'accueil de Justine effondrée, par sa soeur Claire dans son même splendide manoir où la fête avait eu lieu. Ceci pour aider sa soeur à surmonter la dépression qui l'accable à nouveau. Et en même temps revient sur le tapis le même problème csomologique du choc possible entre Melancholia (Saturne) et la Terre. Alors c'est Claire qui va se mettre à paniquer devant cette probabilité, voyant l'avenir se fermer devant elle, la détruisant elle et surtout son fils Léo. Claire va passer par des moments d'angoisse et de peur devant cette éventuelle apocalypse. A l'inverse, sa soeur Justine, va réagir beaucoup plus calmement qu'elle. Cette future apocalypse deviendra au sens originel du mot : révélation, celle d'une sorte de sérénité chez la mélancholique qu'est Justine. Sorte de révélation sur la psychologie des mélancholiques qui, travaillés par des moments dépressifs terribles, peuvent pourtant envisager par exemple la fin de la vie sur terre comme une solution satisfaisante. Et ceci beaucoup plus que les gens apparemment équilibrés (comme Claire) qui s'effondrent face à l'avenir de mort qui les attend, eux et ceux qu'ils aiment, et la vie d'une façon plus générale.

2 . symbolisme entre les deux soeurs et les deux planètes

Melancholia est un film de fiction et de fantastique avec un fond d'apocalypse effective. Son scénario lui permet d'avoir une certaine vraisemblance à caractère dramatique. Il n'est pas étonnant que l'impression dominante des couleurs soit le sombre de la nuit, notamment ou même des regards. Exception, la robe blanche de la mariée qui met son personnage en ligne de mire en permanente dans le film. Même dans la seconde partie, sans sa robe, elle bénéficie encore d'une cerrtaine luminosité, par rapport à son environnement. D'ailleurs, les événements ont lieu souvent de nuit, où dans une atmosphère de brouillard et nébulosité significative. Ce climat donne une force d'autant plus grande à la dimension symbolique, ce que le titre lui-même : 'Melancholia' (noir), lui confère également. Justine traversera le film comme en surnageant, à l'exemple de la blanche Ophélie de Rimbaud qui écrivait : « Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles, la blanche Ophélie flotte comme un grand lys ». En effet, elle traverse les scènes de nuit de son mariage dans une solitude que la couleur blanche de sa robe ne cesse d'accentuer, isolée qu'elle se sent du commun des mortels en cette circonstance.

Que ce soit Justine la mariée ou sa soeur Claire, toutes deux symbolisent la situation cosmique du moment. Justine et sa mélancholie psychologique correspond à la planète du même nom, en ce que le soir de son mariage elle arrivera à détruire toutes les relations avec son entourage. Du fait de ses problèmes psychologiques elle correspond bien à la planète du même nom que sa maladie. La planète va, en effet, finir par détruire la Terre, comme Justine finira par tout détruire autour d'elle, faisant le vide complet autour d'elle le soir de son mariage.

Par ailleurs, sa soeur Claire symboliserait plutôt la planète Terre. Elle semble bien enracinée dans la vie, et elle a une grande lucidité, ne voulant pas voir les choses ni les êtres se déglinguer. Elle réagit froidement lorsqu'elle voit que Justine a tout mis sans dessus-dessous autour d'elle ce soir-là. Elle ira jusqu'à lui envoyer: 

« je te hais tellement! » Claire aura la même attitude de répulsion puis d'horreur à l'idée que la planète Melancholia vienne mettre fin à sa vie, à celle des siens et celle de l'univers.

Sous l'apparence lisse et romantique de la mise en scène: nature et paysages d'une beauté romantique, doublée par la beauté de la mariée elle-même, richesse des personnages et des lieux, se cache un symbolisme à la fois cosmique et psychotique, qui avance lentement mais sûrement.

3. Dans le monde mais pas du monde

Le mal-être de Justine, sa différence avec son environnement, pourrait être mis en parallèle avec l'attitude chrétienne exprimée dans l'évangile de Jean, où le chrétien  est quelqu'un qui vit dans le monde, mais qui n'est pas du monde. Justine n'arrive pas à partager les espérances de son entourage, même au moment du partage amoureux avec Mikaël, son mari. Elle n'arrive pas non plus à être en véritable communion avec ses proches et ses amis.  Il est certain que l'attitude plutôt fermée de sa mère à son égard n'a pas dû l'aider. C'est pourquoi, malgré l'effort qu'elle a fait pour entrer dans la normalité avec son mariage, elle n'arrive pas à se convaincre d'aimer ce genre de vie avec ses préoccupations assez matérialistes . Par exemple elle reçoit bien des encouragements de la part de son patron qui décide de la promouvoir chef de son agence, mais cela n'empêchera pas Justine de l'envoyer promener un plus tard. Celui-ci décidera de la mettre à pied et quittera les lieux sur le champ. Elle délaisse même son mari dans la chambre nuptiale au point que celui-ci décidera de l'abandonner à elle-même, plus ou moins conscient de sa curieuse humeur sexuelle.  Avec sa soeur Claire non plus, les choses ne sont pas si faciles, celle-ci étant, comme son mari, incrustée dans le monde de l'argent.  Ainsi tout va partir à vau-l'eau dans cette fameuse soirée nuptiale. Justine n'arrive pas à vivre ce monde qui est pourtant le sien, et qui voudrait qu'elle y trouve son bonheur.

Elle ressemble un peu aux chrétiens qui tout en étant dans le monde, n'entrent pas forcément dans sa mentalité matérialiste faîte de violences provenant pour une part des ces inégalités. Justine  n'arrive pas à se satisfaire des encouragements que son environnement lui propose. Les choses les plus enviées de la vie  ne parviennent pas à changer son sentiment de  non-appartenance à ce monde familial et social. Elle aspire à un dépassement de ce type de vie et de satisfaction, du fait de son déséquilibre psychologique. Son regard traduit souvent l'expression d'une certaine absence, ou d'un sourire forcé. Ici ce n'est pas le monde qui ne l'aime pas , sauf peut-être sa mère qui ne veut rien savoir d'elle,  et parfois sa soeur Claire, traversée par un sentiment d'opposition et de lassitude envers elle. Mais c'est plutôt Justine qui, malgré toute l'amitié qui l'entoure, n'arrive pas à s'identifier à ceux qui essaient de lui donner le maximum de leur considération et de leur amour, y compris son mari.

Or, pour le chrétien, même si le monde ne lui pas forcément hostile, même au contraire parfois, c'est lui qui a de la peine à se sentir en accord avec l'esprit d'une société qui n'a que faire de sa foi. En effet, sa connaissance du projet de Dieu pour le salut du monde l'entraîne à voir les choses autrement, à mettre un certain nombre de bémols aux choix qui ont lieu autour de lui ayant réalisé une option de vie d'une autre dimension, au rythme bien différent. Il peut même arriver que des attitudes chrétienne se veuillent ultra-séparées du monde, manifestant un forte négativité à son encontre. Ceci pouvant déclencher certaines formes de psychoses, favorisant des attitudes problématiques semblables dans ces effets à celle de Justine. Comment ne pas rappeler que certains chrétiens attendent activement l'accomplissement le plus rapide possible des prédictions bibliques de la fin des temps, via le retour du Christ, pour que soit établi enfin le monde nouveau dont parle l'Apocalypse. N'est-ce pas un peu aussi cette même perspective qui semble donner à Justine un certain soulagement par rapport  à la vie qu'elle connaît : celui d'être enfin débarrassée d'un monde qui n'arrive pas à la combler et à la satisfaire ?

4. Fin du monde : néant ou espérance ?    

Il est peut-être temps de s'étonner de l'attitude de Justine face au néant auquel elle aspire et qui s'annonce avec le choc imminent de la planète Melancholia avec la Terre. La voilà qui semble échapper à la dépression au profit d'une sérénité que sa maladie lui fait préférer au maintien d'une réalité sans correspondance avec ses attentes. L'apocalypse a à l'évidence une certaine valeur à ses yeux. Au contraire, chez Claire, elle engendre l'attitude opposée, à savoir un puissant désespoir. Ceci n'empêche pas le constat final négatif, puisque cette fin du monde annoncée et imminente n'ouvre que sur le néant. Certes le final montre les deux soeurs et Léo, le fils de Claire, réunis en compassion mutuelle. Mais pouvons-nous nous satisfaire de ce refuge néantisant ? N'est-ce pas une flèche de plus de la part de Lars von Trier, même si la perspective d'une apocalypse fournit à son scénario un suspense formidable ?

Quelle résonance peuvent avoir les perspectives de fin du monde dans la Bible ? Est-ce seulement la fin de tout vie à tout jamais comme le pensent Justine et Claire ? Ou bien est-ce l'occasion d'une révélation dépassant celle du film, faite uniquement d'un apaisement inespéré et soulageant pour Justine ? Cette dissolution des personnages dans le néant, cette élimination finale du genre humain, n'est-elle pas avant tout la traduction d'une détestation universelle inscrite chez le réalisateur du film ? Certains le voient ainsi !

Peut-on seulement se satisfaire de la destruction de l'humanité et des intérêts primaires de ce monde au nom d'un refus maladif de la société qui nous entoure? Est-ce cela que laisserait entendre la Bible dans sa vision apocalyptique ? A savoir la fin personnelle et terrestre avec l'effroi des uns ou la tranquillité des autres ? Ou bien y a-t-il autre chose en jeu dans le discours biblique, que la peur ou l'indifférence de mourir ? A savoir la question de  mesurer si l'on a réussi à transcender sa vie, à faire en sorte qu'elle soit inspirée d'une invitation supérieure en vue d'une qualité de vie autre que la course à l'accomplissement égoïste de soi-même. Ou bien cette vie n'a -t-elle été dominée que par des liens, des attitudes et des instincts mortifères ? Car même si  en apparence le rideau tombe et tout semble disparaître, n'y aurait-il pas autre chose de plus essentiel venant d'ailleurs et qui demeurerait ? Quand toutes les idéologies gisent par terre, de vrais références divines ne sont-elles pas à mettre en valeur nonobstant la montée d'un individualisme souverain. Dans ce film la représentation de cette fin du monde ne nous terrifie ou nous satisfait qu'en tant que nous avons perdu d'abord toute considération pour ce qui se passe en ce lieu non spatial qu'est l'âme : forme d'intériorité qui nous accroche aux étoiles pour le dire qu'une façon imagée. N'y a-t-il pas d'autres lieux où luisent d'autres étoiles, qui marquent nos existences  quand le monde a résonné d'instants de grâce, nous prouvant l'intérêt profond et l'amour infini dont celui-ci est le fruit en dépit de toute apparence contraire ?

Dans la Bible la perspective de la fin de tout, ne peut-elle pas nous retourner et nous donner la force de nous convertir à un essentiel : une vie digne de l'humain tel que manifesté par Dieu en son Fils Jésus-Christ, pour nous rendre à un Dieu de grâce ? A ce titre mourir n'est-ce pas une politesse métaphysique consistant à laisser la place à Dieu, comme lui auparavant a consenti à nous faire une place en créant notre monde ?

Denis Rafinesque

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