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Kathryn Bigelow, née en 1951, est peintre avant de se lancer dans l’aventure cinématographique. Elle réalise son premier long métrage en 1982, The Loveless, en collaboration avec Monty Montgomery. Cinq ans plus tard elle se fait remarquer avec Aux frontières de l’aube, une modernisation du mythe du vampire. En 1990, elle poursuit avec le thriller policier Blue Steel. Cinq années après elle réalise Le Poids de l’eau (2000) puis K-19, Le Piège des profondeurs (2002). Elle poursuit en 2009 dans le registre de la guerre avec Démineurs, suivant les militaires américains pendant leur seconde offensive en Irak. En 2012, la réalisatrice reste dans la thématique de la guerre du Moyen-Orient avec Zero Dark Thirty, sur la traque de Ben Laden. Cinq ans plus tard la cinéaste met en scène Detroit. Elle est la première femme à avoir été récompensée aux Oscars (elle en a obtenu six pour Démineurs qui a obtenu 75 prix internationaux).


Détroit

Été 1967. Les Etats-Unis, avec la guerre au Viet Nam et la ségrégation raciale, connaissent une vague de contestations. À Detroit l’insurrection des noirs gronde depuis quelques jours. Le film s’attarde sur la nuit du 25 juillet où la police prend d’assaut un motel qui abriterait censément un tireur et se déchaine sur les occupants en grande majorité noirs.

Quand les Etats-Unis d’Amérique en auront-ils fini avec leur démon passé et toujours présent, le racisme anti noir ? C’est un problème tellement violent et douloureux qu’il inspire régulièrement les auteurs, que ce soit en littérature ou au cinéma. Kathryn Bigelow apporte sa pierre à l’édifice. C’est une cinéaste engagée sur les problèmes politiques actuels que ce soit dans Démineurs ou Zero Dark Thirty. Elle traite aujourd’hui d’un épisode peu connu, les émeutes raciales de Detroit en 1967 et leur terrible répression. Mais ce n’est pas un film historique car cette histoire nous parle du présent. On a tous en tête, pour ne citer que les plus récentes, les émeutes de Cincinnati, à la suite du meurtre d’un jeune noir de 19 ans, en 2001, celles provoquées par l’acquittement d’un blanc à la suite du meurtre de Trayvon Martin, qui ont donné lieu à la naissance du mouvement « Black Lives Matter », celles de Fergusson, à la suite du meurtre d’un jeune noir par un policier blanc, en 2014, la tuerie de Charleston où un raciste blanc a ouvert le feu dans une église tuant neuf paroissiens noirs en Caroline du Sud, en 2015, sans que la liste soit exhaustive.

En s’inspirant des évènements réels de juillet 1967 la réalisatrice nous donne une œuvre forte et nécessaire. Le film débute par une séquence d’images animées qui retracent le contexte historique et social des évènements : de l’esclavage au déplacement massif des populations noires vers le Nord en quête de travail et d’une meilleure condition juridique. Puis une première partie retrace l’origine des violences : une descente de police musclée dans un night club fréquenté par des Noirs qui dégénère et va provoquer une flambée de violence dans la ville pendant cinq jours. La réalisatrice filme, comme dans un reportage, caméra à l’épaule, de vraies scènes de guerre, où la police, l’armée sont déployées avec des véhicules de combat ; on se croirait au Moyen Orient (la guerre est une constante de son œuvre). Nous sommes submergés par la violence de l’acharnement sur des hommes noirs menacés, tabassés, blessés ; violence accentuée par une bande son qui ne transmet que des bruits de combat. Puis, dans une seconde partie, la plus forte du film, la réalisatrice se concentre sur la nuit du 25 juillet. Des coups de feu semblent avoir été tirés depuis l’Algiers Motel. La police cherche désespérément l’arme et le tireur et c’est une nuit d’horreur qu’elle va nous faire partager pendant une quarantaine de minutes. Les humiliations, les tabassages, les insultes, les intimidations, les tortures, les fausses exécutions de la part de policiers blancs racistes, enragés, qui dépassent toutes les bornes légales. On suit des destins individuels qu’on avait déjà aperçus dans la première partie. La violence réaliste, crue, est insupportable. On vit pratiquement en direct la terreur de ces hommes, avec deux jeunes filles blanches, qui ont la certitude qu’ils seront assassinés et qui croient, de longs moments durant, vivre leurs dernières heures. Impression de violence accentuée par des plans séquences courts, dans un huit clos étouffant qui se concentre sur le petit couloir de l’hôtel où sont alignés au mur ceux que la police voudrait faire parler, et par de gros plans sur les visages en sueur et en sang. Le bilan se soldera par trois noirs assassinés à bout portant, et plusieurs autres blessés. Certains critiques ont trouvé la séquence trop longue. Elle me paraît au contraire indispensable car elle fait la force du propos de ce film essentiel qui suscite rage et révolte.

La troisième partie, qui laisse souffler le spectateur, se consacre au procès dans lequel les policiers seront, bien entendu relaxés, et sur la vie saccagée d’un des protagonistes qui s’enferme dans la communauté non par rejet des autres, mais par peur des autres.

Un grand film, indispensable, nécessaire, car on ne dénoncera jamais assez l’ignominie du rejet de l’autre à cause de sa couleur de peau ou de sa religion, dans un contexte actuel particulièrement inquiétant.

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