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Et au milieu coule une rivière

Durée :2h 03

Date de sortie : 1993

Réalisateur : Robert Redford

Avec Craig Sheffer, Brad Pitt, Tom Skerritt

Pays : Etats-Unis d'Amérique

A l'Est d'Eden

Durée :1h 55min

Date de sortie : 1955

Réalisateur : Elia Kazan

Avec James Dean, Julie Harris, Raymond Massey

Pays : Etats-Unis d'Amérique

Good Time

Durée :1h 41

Date de sortie : 2017

Réalisateurs : Ben Safdie et Joshua Safdie

Avec Robert Pattinson, Ben Safdie, Buddy Duress

Pays : Etats-Unis d'Amérique, Luxembourg

Joyeux Noël

Durée :1h 55

Date de sortie : 2005

Réalisateur : Christian Carion

Avec Diane Kruger, Benno Fürmann, Guillaume Canet

Pays : France, Grande-Bretagne, Belgique, Roumanie, Allemagne


L'éducation à la fraternité

Depuis 1970 on emploie plutôt le mot fratrie - que je n'utiliserai pas - pour désigner les enfants issus de même parents. Je vous propose de voyager dans la fraternité par le cinéma en partant de son sens strict construit sur le mot 'frère' (1140 - de fraternitas relation entre frères, entre peuples) jusqu'à son sens qui est actuellement le plus utilisé de communauté fraternelle.

Frères et sœurs ont une ascendance commune, donc souvent une éducation qui les a formés dès leur plus jeune âge, sans cette ascendance réelle ou symbolique (comme l'Etat qui devrait prodiguer ses soins à ceux qui en ont besoin ou la Mère-Patrie, comme nous le verrons plus loin) il ne peut y avoir fraternité. Les individus partagent les notions des valeurs inculquées. Certains peuvent s'en démarquer mais ils les connaissent.

 

Transformation des liens fraternels jusqu'à l'âge adulte

J'ai sélectionné sous ce titre de courts extraits du film de Robert Redford Et au milieu coule une rivière. Le père, pasteur presbytérien, s'occupe de l'éducation de ses deux fils Norman et Paul, sans toutefois les mettre sur le même pied mais en tenant compte de leurs différence d'âge et de caractère.

Une scène du film décrit le père au bord de la rivière Blackfoot, à Missoula dans le Montana, qui se promène avec ses enfants de 5 et 8 ans environ. C'est l'occasion de leur faire une 'leçon de choses' dans un espace naturel. Comme il ne s'agit pas d'un cours scolaire, il s'accroupit à leur portée, se tourne vers eux en tenant fermement un caillou, et les regarde d'en bas pour leur en parler. L'attitude est humble et les enfants sont attentifs. Le saule qui les abrite semble les envelopper, symbolisant la protection paternelle.

Les deux extraits suivant montrent le comportement du père séparément vis à vis de chacun de ses enfants. Norman doit refaire trois fois son devoir avant que son père l'approuve. Celui-ci est derrière son bureau et Norman, debout devant lui. Le cadrage est étriqué à travers la porte ouverte. La puissance de celui qui sait est évidente. Une fois agréé, le papier est jeté à la poubelle. Comme le laboureur de La Fontaine, son père apprend à Norman « que le travail est un trésor » en lui-même.

Paul est figé devant son porridge du petit déjeuner. Il y restera toute la matinée et n'en sera libéré qu'avant le déjeuner. Pas de gaspillage !

Après ses études à l'université, Norman retrouve ses parents et son frère. Apparaît alors une continuité de la complicité antérieure, par opposition au lien avec les parents, qui s'étiole naturellement que ce soit par un métier qui éloigne (Norman) ou un mode de vie qui les rejette et est rejeté par eux (Paul). La tendresse les unit toujours.

 

Le faux-frère

Dans A l'Est d'Eden d'Elia Kazan, l'éducation est sans violence mais la différence de traitement est évidente. Caleb se croit mauvais et croit son frère bon. Le conflit fratricide devient alors l'affrontement primordial entre le bien et le mal. Ce n'est pas uniquement entre frères qu'on peut remarquer le phénomène. Le Roi Lear de Shakespeare nous montre Cordélia tuée par ses deux sœurs.

Dans la première scène représentant les frères jumeaux ensemble dans le film (donc une scène clef), Aron et Caleb adolescents sont en compagnie d'Abra, l'amie d'Aron qui la tient par la main. Caleb marche dans la haie, comme caché, en parallèle avec le couple. Un secret l'étouffe qu'il essaie de retenir : il a découvert que sa mère qu'il croyait morte tient une maison close dans les environs. Il pense tenir de sa mère alors qu'Aron tient de son père.

L'éducation d'Adam, le père, est sévère. Caleb n'hésite pas à le provoquer, mais sa recherche de l'amour paternel est évidente surtout pas son attitude pendant la fête d'anniversaire d'Adam où, secondé par Abra, il se multiplie pour lui faire plaisir. La jalousie change alors de côté et Aron riposte en annonçant, sans avoir consulté Abra auparavant, ses fiançailles avec elle. Ce cadeau remplit son père de joie alors que l'argent gagné pour Adam par Caleb devra être rendu parce que mal acquis par une spéculation.

Comme Caïn tue Abel, Caleb se vengera d'Aron en lui dévoilant le secret de sa mère. Cette scène, sous un saule pleureur, montre l'affrontement des deux jumeaux, dans un jeu de cache cache entre les branches et de séduction de Caleb pour emmener Aron rencontrer sa mère, rappelant le serpent fascinant Eve pour lui faire manger la pomme. Le long couloir sombre qui conduit les deux jumeaux au bureau de leur mère, figure un accouchement en sens inverse, le retour au sein maternel où ils étaient inséparables.

Les conséquences en seront dramatiques.

 

Un frère dévoué

« Je n'aurai pas pu y arriver sans toi. » Cette phrase de Connie, dans le film Good time des frères Safdie, non seulement met en valeur Nick, son frère handicapé mental, mais encore reconnaît l'erreur qui aurait été faite si Connie ne l'avait pas emmené. Ils viennent tous les deux de braquer une banque. Dans ce cas, ni père ni mère ne se sont occupés des deux adolescents. Ce sont des enfants des rues, paumés, dont l'un est à peine plus malin que l'autre, mais qui ne veulent pas être séparés. Il faut de l'argent à Connie pour éviter à son frère une résidence psychiatrique à vie. Il n'en a pas, mais peut s'en procurer en braquant des banques. Nick est cependant rattrapé par la police et prisonnier en hôpital. Connie tente de le faire évader accumulant les catastrophes au cours de la nuit.

On peut comparer ce film au mythe d'Antigone qui brave la loi parce qu'elle considère qu'elle a une responsabilité vis à vis de son frère, responsabilité qui surpasse la loi écrite.

 

Un 'moment' de fraternité

Cette forme de fraternité que nous venons de découvrir dans Good Time, celle aussi d'Antigone, peut s'étendre à une fraternité de groupe dans des cas extrêmes où les consciences individuelles se trouvent en harmonie pour dire non aux ordres donnés. Le film Joyeux Noël de Christian Carion raconte une histoire vraie en 1914 dans les tranchées où la mort était omniprésente. Le symbole maternel et paternel à la fois est celui (bien nommé) de la Mère-Patrie.

La scène de Noël qui nous intéresse commence par la fraternité de deux combattants français devant le danger : « Il se passe quelque chose de bizarre en face » On est dans une tranchée de nuit. La fraternité est vitale. Il faut protéger les autres comme soi-même, en particulier contre tout ce qui est potentiellement dangereux. Les deux observateurs se trouvent en situation de 'frères' dans l'instant parce que chargés ensemble de la sécurité des autres vis à vis des ennemis qu'ils observent, même si le grade n'est pas le même. Dans le cadrage ils sont au même niveau la tête à peine émergeant de la tranchée enneigée. La différence se trouve dans le couvre-chef. Cette responsabilité assumée est due à une éducation militaire.

Dans la tranchée allemande, tous sont au même niveau dans leur trou d'obus en forme de matrice, sauf le ténor Nikolaus Sprink qui se prépare à chanter : la fraternité se trouve dans la fête entre soldats allemands (fraternité dans la fête, citée par Régis Debray dans Moment de fraternité).

A l'écoute du chant de Noël, le silence entre les groupes multilingues, enfoncés dans les tranchées voisines, les soude mieux que des mots. Les applaudissements et surtout l'élan de sortie générale des tranchées marquent une fraternité entre presque tous les belligérants sur le terrain, dans la confiance accordée à un frère, comme on la retrouve dans la famille alors que les enfants sont encore petits. Remontent les souvenirs associés qu'elle procure dans les jours difficiles. Le réalisateur ne veut pas travestir le réalité, tous les belligérants n'ont pas fraternisé. Jonathan qui a dû laisser son frère mourant sur le champ de bataille refuse de participer : une manière de montrer que la fraternité dans la fratrie peut se trouver en opposition avec la fraternité entre les peuples.

Le cantique n'avait peut-être pas la même signification pour chacun : émotion artistique, souvenir d'enfance, ou naissance du Christ, mais les unissait tous, soudain, dans le même amour fraternel. Ce fut certainement un éblouissement pour chacun d'eux.

Nicole Vercueil

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