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Parmi les films vus au FID 2013 :
Pasolini est fasciné par les lieux de la prédication du Christ. Il prépare son film L'Evangile selon St Matthieu et se rend en Palestine pour les repérages. Déçu par la modernité de la terre d'Israël, il compare les paysages à ceux des Pouilles et de la Basilicate et trouve des visages marqués par la dureté des travaux des champs davantage dans la population arabe que dans celle d'Israël. On sait qu'il a finalement choisi de tourner dans le Mezzogiorno italien. Film passionnant où se développe la réflexion du cinéaste sur la construction de son film en la reliant continuellement à ses préoccupations politiques.
Pier Paolo Pasolini voyage en Ouganda et Tanzanie pour transposer L'Orestie d'Eschyle en un film sur l'Afrique contemporaine. Il confronte ses réflexions sur sa vision des populations de l'Afrique post-coloniale avec un groupe d'étudiants africains de l'université La Sapienza à Rome. Il commente ses notes visuelles et, comme dans le film précédent, cette rencontre avec le réalisateur est d'un intérêt intense.
Pasolini avait obtenu des subsides pour faire des repérages en vus d'un film qui serait tourné en Inde. Au lieu de documenter ce projet il s'est servi de ce voyage pour enquêter sur l'Inde d'après l'Indépendance. Il s'agit donc d'un film entièrement fait d'interview auprès d'une population rencontrée au hasard au sujet par exemple de la stérilisation masculine ou de qui voudrait donner son corps pour nourrir un tigre affamé (sujet du film prétexte). Les questions, provocatrices pour un occidental, obtiennent des réponses surprenantes. Mais le documentaire devient moins pertinent pour la découverte des méthodes du cinéma pasolinien.
L'auteur commence par s'interroger sur la perception que nous avons du passé et de ses traces. Il exploite des bouts de pellicules trouvées dans les archives de Pasolini et tournées entre 1970 et 1972 par Pasolini et des militants de Lotta Continua en vue du film Dodeci dicembre, sur l'attentat de la Place Fontana à Milan, qui n'est jamais sorti. Il mêle à ces documents d'archives, une enquête sur l'actualité de la lutte, dans un marché, un potager collectif, un immeuble à coursives. Témoignage sur une forme de révolte qui disparaît.
Tiens ! Un documentaire, au FID ! Mais alors un vrai, sans fioritures stylistiques. Si vous ne connaissez pas la Transnistrie (eux disent Pridnestrovie), petit faux-pays détaché de fait de la Moldavie à l'éclatement de l'URSS et où la XIVe armée russe est toujours stationnée, voilà l'occasion. Vous entendrez des opinions contrastées, entre ceux qui vantent leur 'petit paradis' et ceux qui ironisent sur son assujettissement à la Russie ; vous assisterez en direct (fin 2011) à la défaite électorale d'un président immuable depuis 20 ans, et le verrez vitupérer à la télévision contre un dépouillement trafiqué et des électeurs stupides... Un survol superficiel, c'est pléonastique, mais je crois que cela vaut mieux que rien. A propos, la capitale, c'est Tiraspol.
Le personnage est assis face à nous sur une chaise au centre de l'écran, devant un rideau de scène, et va parler pendant une heure : 'J'ai 66 ans, études d'ingénieur autrefois...'. Le discours est découpé en cinq 'journées', chacune redécoupée (un peu bizarre, mais c'est comme ça) en plusieurs rendez-vous datés, et chaque rendez-vous est détaillé en 'séquences' numérotées - au total environ 90. Paulo de Figuereido (si c'est son nom ?) se raconte, mercenaire portugais en Angola, puis n'importe où, y compris en Espagne contre l'ETA ; coupable à l'écouter de nombreux meurtres et autres horreurs, qu'il évoque avec satisfaction mais sans obscénité. Il y a sans doute du vrai dans ce qu'il dit, et très probablement du faux... On le découvre enfin avec des collègues SDF sous un pont d'autoroute, et moins de prestance que dans la mise en scène de l'entretien. Le bonhomme a du bagout, on ne s'ennuie pas une minute, et la réalisatrice explique avec soin la négociation et les conditions de l'enregistrement. Il se peut que le débitage en 90 tranches avec écran noir et silence entre deux ait aidé à donner une durée plus respectable à cette confession, mais cela lui confère aussi une emphase compréhensible. Un sujet bien trouvé et bien rendu.
Comment appelle-t-on ça ? Un poème filmé, un film poétique, du cinéma d'art ? Dans une prairie, une (très) vieille dame claire se raconte, puis la (moins) vieille dame sombre la rejoint sous l'arbre à l'heure du pique-nique. Elles bavarderont ensemble de temps en temps, puis repartiront. Les saisons passent, les couleurs du paysage se transforment, et de douces transitions par fondu au blanc scandent le lent et paisible déroulement du temps, des souvenirs, des vies. C'est joli, c'est très soigné, les gros plans sur les vieux visages sont émouvants et respectueux ; mais c'est long tout de même, pour ce que ça dit, malgré la qualité des deux grandes actrices du théâtre slovène.
Le Normand quitte sa ferme pour connaître autre chose et part vers l'est et la banlieue parisienne dont on parle tant ; le Beur quitte sa banlieue et part vers l'ouest pour prendre l'air à la campagne. Les deux itinéraires, l'un plutôt longeant les trains, l'autre les péniches, se croisent au bout de quelques jours dans le jardin de Monet à Giverny où nos explorateurs font connaissance et causent toute la nuit. Les intentions sont bonnes : le monde est plein de braves gens, on est moins différents que l'on ne croit, à se connaître on s'apprécie... Plus de géométrie que de finesse, néanmoins.
Quelques jeunes femmes, principalement deux, se racontent dans leur vie amoureuse. Où l'on se rend compte qu'à se réduire à cela, il ne reste pas de quoi intéresser. Pour salon de coiffure ou émission télévisée.
A Jam Salaya, sur le golfe de Kutch en Goudjerate (Inde) se construisent de grands vaisseaux de bois (MSV, Mechanised Sailing Vessel) qui vont se charger dans le Golfe persique (Sharjah, Dubaï) et longent la péninsule arabique et Aden pour ravitailler la corne de l'Afrique (ancienne Somalie : Pount, Somaliland...) ravagée par la piraterie et interdite à tout trafic normal. Les réalisateurs ont confié des caméras à quelques marins de ce réseau, et récolté aussi des vidéos sur téléphone accompagnées de leurs clips musicaux. Quatre ans de matériaux qui forment un film sommaire mais passionnant, au coeur et à la marge de la mondialisation.
Un 'beau livre', plutôt qu'un documentaire : des paysages (beaucoup) et gens (un peu) de la montagne portugaise (Covas de Monte, petit village chevrier de la région de Sao Pedro do Sul au centre du pays) sont le support d'images et sons pris et montés en vue, dirait-on, d'une manifestation d'Art Contemporain. Des phrases énigmatiques sur écran noir ponctuent le temps : 'Si le scorpion (lacrau) pouvait voir et la vipère pouvait entendre, qui leur échapperait ?' Consommé par tranches de quelques minutes, ce film serait sans dote supportable, même agréable.
Jacques Vercueil
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