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  1. Gilles BOURQUIN : Théologie de la spiritualité, 2011 Labor et Fides
  2. André DUMAS : article cinéma, in Encyclopédie du Protestantisme, 2006 PUF et Labor et Fides
  3. Amédée AYFRE : Un cinéma spiritualiste, 2004 Cerf-Corlet
  4. Michèle DEBIDOUR : Le cinéma, invitation à la spiritualité, 2007 Ed. de l'Atelier
  5. Pierre GISEL Corps et Esprit, 1992 Labor et Fides
  6. La nouvelle chapelle des Diaconesses à Versailles, signe de la spiritualité dans l'art.

Cinéma et spiritualité

Courrier de la communauté des Diaconesses de Reuilly : COMMUNION été 2013 n° 209, "Art et Spiritualité"

Le cinéma est appelé le 7ème art. Ce chiffre à résonnance biblique donnerait-il à cet art une dimension religieuse ou sacrée ? Cet art aurait-il une capacité particulière à développer l'élément spirituel ? Pour cela il serait intéressant de chercher quelles particularités (par rapport aux autres arts) peuvent jouer un rôle dans ce domaine de la spiritualité.

La dimension temporelle : Le cinéma introduit cette dimension bien autrement que la littérature. Il la rend très voisine de celle de notre vécu avec nombre d'épisodes et de facettes jouant un rôle de miroir avec la temporalité de nos vies. L'histoire d'un récit filmique, traversée de fiction et de magie parfois, n'en crée pas moins un reflet de ce que peuvent être bien de nos expériences de vie. Et dans cet échange plus ou moins émotionnel, propre à la construction cinématographique, la dimension réflexive ou intérieure de nos vies est mise en marche, ou en question. Questionnements sur le sens de l'existence, sur l'espérance d'alternatives meilleures, d'un monde ou d'un avenir autre, pour les êtres de dépassement que nous sommes. Ainsi le cinéma réussit parfois sinon souvent à nous interroger plus centralement sur la vie et la mort, la vérité et le mensonge, l'amour et les réalités supérieures, selon l'expérience temporelle qui nous habite au moment de voir un film. Et ceci jusqu'à nous amener à orienter nos vies selon de nouveaux critères.

La spiritualité relève ici d'une dimension anthropologique constitutive, ayant trait à la gouvernance de la vie en rapport à la dimension de l'ultime (1).

La dimension du beau : Comme toute œuvre d'art, le cinéma, à sa façon, cultive la dimension du beau. Hitchcock ne disait-il pas en référence au peintre Edward HOPPER : je ne regarde jamais avec la caméra, je pense seulement à un écran blanc, qui doit être rempli comme on peint une toile. Au cinéma nous dirons aussi que la beauté consiste à réussir à nous faire voir l'invisible derrière ou au travers le visible. Nous sommes invités à entrer dans une intériorité surprenante, admirable autant que fugace parfois, étant donné le mouvement des images. Beauté liée à l'évolution positive de situations critiques par le biais de choix humains, mais pas seulement. L'équilibre entre le fond et la forme de tel ou tel film nous amène aux limites de la raison pour nous plonger dans des instants de grâce, ou pour nous interroger sur un dénouement énigmatique. En fonction des thèmes humains abordés dans un film et selon leur profondeur ou leur excès, notre moi intime en viendra à s'ouvrir à un ordre supérieur au nôtre, ou en tout cas à aspirer à une telle possibilité.

On voit ici que le beau n'est pas seulement celui de l'image en tant que telle, même si cet élément peut jouer un rôle préparatoire. Au cinéma le champ de l'image est plus iconique, évocateur par delà même le réel présenté. Notre structure humaine en profondeur va nous ouvrir à dépassement du seul socle naturel, et même culturel, pour nous orienter vers une beauté supérieure, originelle, ou divine. Ainsi l'Esprit créateur peut s'associer à la création artistique et l'animer secrètement de son souffle de Vie.

Voilà deux éléments de type existentiel et esthétique qui sous-tendent le fonds spirituel du 7ème art.

La dimension religieuse : Cette spiritualité relève d'une approche anthropologique inspirée par le mystère de l'Esprit à même la création. Et ceci, même si le cinéma n'a rien de religieux dans ses origines. Quelqu'un a même osé parler de sa nature diabolique, vu la manipulation de l'image qui s'y opère, désorganisant l'ordre normal des choses !

Cependant le théologien André DUMAS a écrit (2) que le cinéma est un art religieux dans la mesure où il conte à nouveau l'odyssée ou l'exode de la condition humaine. Et ajoutait-il, pour une sensibilité protestante, il est même le seul art religieux et profane du 20ème siècle, puisqu'il est intérieur et épique, silencieux et global, moderne et glorieusement précaire, mobile et sans peur de l'aujourd'hui.

Comment entendre le mot religieux ici. Probablement du fait que beaucoup de films au long du 20ème siècle font référence à la culture biblique. La liste en serait trop longue ici…. Il y a ceux dont les titres sont évocateurs comme L'évangile selon St Matthieu, de P. Pasolini (1964), et d'autres beaucoup moins, mais pour autant riches d'impact spirituel comme par exemple : Le festin de Babette, de G. AXEL (1986) pour n'en citer qu'un.

A ce titre il est intéressant de voir comment le monde religieux chrétien regarde le cinéma.

Depuis 38 ans le Jury œcuménique du célèbre Festival du Cinéma de Cannes, s'est donné des critères de lecture des films, pour faire valoir les plus spirituels. Quel type de regard porte le Jury sur cette sélection haut de gamme ?

Il distingue des œuvres de qualité artistique qui sont des témoignages sur ce que le cinéma peut nous révéler de la profondeur de l'homme et de son mystère, au travers de ses préoccupations, de ses déchirures comme de ses espérances.

Il attire l'attention sur des œuvres aux qualités humaines qui touchent à la dimension spirituelle de notre existence, telles que justice, dignité de tout être humain, respect de l'environnement, paix, solidarité…Ces valeurs largement partagées dans toutes les cultures sont aussi celles de l'Evangile.

Dans ses choix, le Jury œcuménique montre une grande ouverture aux diversités culturelles, sociales ou religieuses.

Cette approche religieuse souligne surtout la dimension éthique et humaniste de la vie dans ce qu'elle peut avoir de transcendant en dignité, au milieu même de sa dramatique. Cette position est à comprendre comme une mise en question du matérialisme pratique déshumanisant de nos sociétés. Là encore nous ne pouvons pas citer tous les titres des films primés, sauf un ou deux avec le motif du choix. En 2012 le prix est allé au film : La Chasse, de Th. VINTERBERG. Au motif suivant :

Une partie de chasse où le gibier est un homme bon, en proie à la méfiance et à la manipulation d'une communauté déchirée, à la recherche du pardon et de l'harmonie perdue. La mise en scène de Th. VINTERBERG, fondée sur la fiction, met en ligne de mire l'évolution du statut de père et de l'enfant. Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles paraissent !

Citons dans les années précédentes : This must be the place, de P. SORRENTINO (2011), mais aussi Des hommes et des dieux, de Xavier BEAUVOIS (2010).

4. la dimension spirituelle : Il semble que la réflexion religieuse sur le cinéma ait changé d'orientation au fil des dernières décennies.

Amédée AYFRE, grand spécialiste en cinéma, à une époque (1950-1970) où les sujets religieux classiques deviennent rares, a publié des écrits portant sur la place et l'écho que le cinéma donne à la présence du divin ou du sacré ? L'un d'eux s'intitule : Présence et absence de Dieu dans le cinéma d'aujourd'hui (3). La tendance des réalisateurs consiste à évacuer Dieu ou à mettre un point d'interrogation sur sa réalité, ce qui laisse l'homme dans une grande solitude, même si quelques réalisateurs laissent percer implicitement Sa présence agissante (R. BRESSON et R. ROSSELLINI). AYFRE plaide pour que l'Esprit dans son déploiement christique, puisse animer autrement le cinéma, vu la place importante de cet art dans la culture mondialisée.

Une autre spécialiste, Michèle DEBIDOUR, oriente autrement la recherche spirituelle. Pour elle (entre 1990 et 2010) il s'agit de décrypter dans les films, comme en un miroir, nombre de réalités spirituelles présentes dans les récits de la Bible. C'est beaucoup moins la question de l'évocation du sacré ou de l'Absolu dans un film, que la question de la sainteté qui est finalement en jeu. Comment sur la base de l'incarnation de la parole divine en Christ, peut se jouer l'incarnation de celle-ci dans notre aujourd'hui concret. Ici le cinéma peut devenir ce vecteur à même la réalité ordinaire de certains récits filmiques, sans soubassements religieux effectifs. Il s'agira de repérer comment est symbolisée ou traduite l'invitation pratique à s'ouvrir au souffle d'un amour surprenant et ampli du mystère de l'Autre. Ou comment dans la culture gavée de matérialisme, se manifeste, via le cinéma, l'aspiration à retrouver dans le quotidien les dispositions d'ouverture à une transcendance liée à la grâce divine (4).

Nous allons donner deux exemples de sa lecture des films, où le sacré n'est plus investi forcément dans des formes morales ou des instances religieuses trop représentatives ou figées de l'Absolu.

Le film BABEL, (2006) de A.G. INARRITU ne fait aucune allusion au récit biblique de Babel (sauf le titre). Et pourtant ce film choral montre la malédiction de l'incommunicabilité pesant partout sur les peuples. Ces barrières ne sont pas que linguistiques, car c'est grâce à la main tendue à l'autre en souffrance, que pourra naître un courant de fraternité et de réconciliation.

Dans Le Festin de Babette, (déjà cité) c'est une étrangère qui redonnera un souffle de vraie spiritualité à un milieu apparemment fort religieux. Cette exilée française fera apparaître dans un festin inoubliable, la présence vivifiante de Dieu comme un moment fort de sa Grâce.

Au terme de ces divers aspects de la relation cinéma – spiritualité, comment se positionner soi-même ?

Il semblerait que dans les films des deux ou trois décennies passées, les thèmes religieux à consonance chrétienne réapparaissent en fonction des besoins des réalisateurs ou des attentes du public. Avec un risque, celui d'instrumentaliser la dimension religieuse. Le cinéma ne pourrait-il pas rester cependant, le vecteur d'un lien culturel ou mieux spirituel intéressant entre nos sociétés désenchantées et nos églises cherchant à exprimer leur foi au Dieu fait homme ? En effet, l'homme d'aujourd'hui découvre depuis peu qu'il ne sait plus très bien parler des réalités de l'esprit, ou des dimensions spirituelles, symboliques et religieuses. Il est en mal d'intériorité et également en manque de relation avec les réalités qui dépassent son donné circonscrit et matériel… (5).

A nous déjà de savoir, selon les films, lire un message sous-jacent de l'Esprit de la Bible, en valorisant les lieux, moments et conditions d'un dialogue fécond entre culture cinématographique et spiritualité. Et si nécessaire à nous de susciter des débats à partir de certains films pour questionner fraternellement notre entourage culturel, dans sa religiosité utilitariste.

En parlant des lieux et conditions propices à cet échange, passerelle entre ces deux mondes du cinéma et de la spiritualité, ne faut-il pas entendre l'appel à créer des communautés, y compris virtuelles (via Internet) voire des individualités qui portent et traduisent en extériorité comme en intériorité une qualité spirituelle et artistique capable de sensibiliser et attirer nos contemporains en recherche de la vraie image de Dieu sur la terre (6) ?

Denis Rafinesque

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