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Annemarie Jacir est une réalisatrice, scénariste palestinienne, née en 1974. Elle travaille dans le cinéma indépendant depuis 1998 et a écrit, réalisé et produit un certain nombre de courts métrages primés. Son court métrage, Comme vingt impossibles (2003), a été le premier court métrage arabe à être dans une sélection officielle du Festival de Cannes et a été finaliste des Academy Awards, remportant plus de 15 récompenses dans des festivals internationaux. En 2007, Jacir a tourné son premier long métrage, Le sel de la mer, qui l’a fait connaître. Ce film a été sélectionné à la 81ème cérémonie des Oscars pour le meilleur film en langue étrangère et a reçu de nombreux autres prix et nominations, notamment le Muhr Arab Award du meilleur scénario au Dubai International Film Festival, et un prix FIPRESCI. Son film de 2012, When I Saw You, a remporté le prix NETPAC des critiques du meilleur film asiatique au 63e Festival international du film de Berlin et a été sélectionné à la 85e cérémonie des Oscars pour le meilleur film étranger. Son film Wajib (2017), a été en compétition au festival du film de Locarno et a reçu le Grand prix du jury et le Prix du public au festival international du film d’Amiens. Mohammad Bakri a remporté le Muhr Award du meilleur acteur et le film a remporté le prix Jacir the Muhr du meilleur film de fiction au Dubai International Film Festival 2017.
Abu Shadi, 65 ans, divorcé, professeur à Nazareth, prépare le mariage de sa fille. Shadi, son fils qui est architecte et vit à Rome, est venu quelques jours pour l’occasion et pour l’aider à distribuer les invitations au mariage, de la main à la main, comme le veut la tradition palestinienne du wajib. Cette distribution est l’occasion d’une confrontation de leurs points de vue sur le pays et pour la réalisatrice de nous parler des problèmes de la Palestine.
Prenant prétexte de suivre un père et un fils qui, dans la vieille guimbarde du père, distribuent les invitations au mariage de la fille de la famille, Annemarie Jacir nous montre avec lucidité, finesse et une pointe d’humour, tous les problèmes auxquels sont confrontés les habitants de Nazareth, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. C’est une ville de Galilée, où vivent la majorité de ceux que l’on appelle les « Palestiniens invisible », les arabes vivant en Israël avec des droits limités, la plus grande ville arabe du pays avec 70 % de musulmans et 30 % de catholiques. Cette diversité de religions dans une ville israélienne n’est pas sans poser problèmes. Dès les premières images on y est confronté. Abu Shadi est seul dans sa voiture et entend à la radio des annonces d’avis de décès avec l’indication des sépultures selon les cultes, chrétien, musulman, juif ; mais la dernière annonce est inquiétante, le gouvernement israélien veut supprimer les indications en langue arabe dans les bus ... En filigrane c’est la tragédie palestinienne qu’elle esquisse. Car à l’occasion de cette distribution d’invitations qui contient tout le film par de longs moments passés en voiture entre le père et le fils, c’est également le conflit de générations et de vision politique qui est esquissé, les divergences de vues entre le fils qui, parti à l’étranger, a une approche extérieure des problèmes, et le père qui est resté sur place et qui, pragmatique, fait avec une réalité à laquelle il doit s’accommoder. « Comment ai-je fait pour vous élever ? » lance-t-il à son fils qui lui reproche de vouloir inviter au mariage un juif qu’il considère comme un espion et que son père qualifie d’ami auquel il devra sa promotion future. Mais la terreur de ce dernier devant un chien du quartier juif qu’il vient d’écraser en dit long sur sa peur profonde. La réalité palestinienne, qui est l’objet des divergences de vues entre les deux, surgit de toutes part sans que la réalisatrice nous force à prendre parti tant ces problèmes nous dépassent. On comprend que le fils a dû s’exiler. Il vit en Italie depuis de longues années mais est resté très idéaliste sur son pays. Il rêve d’un Nazareth qui n’existe plus, fustige la saleté chaotique des rues, l’utilisation du plastic sur de vieilles façades, et critique la résignation de son père devant certaines situations qu’il trouve humiliantes. De son côté le père espère que son fils va revenir au pays, qu’il va épouser une fille de Nazareth ; il critique sa chemise rose et son pantalon rouge ; il lui reproche de vivre avec une fille dont il oublie régulièrement le nom, dont le père est un membre important de l’OLP, organisation qu’il considère comme un ensemble de politiciens, qui ne comprennent pas la situation qu’ils vivent et qui sont indifférents au sort de ceux qu’ils prétendent défendre.
Annemarie Jacir a eu la bonne idée de faire jouer ensemble Mohammad Bakri dans le rôle de père et Saleh Bakri dans le rôle du fils, qui sont père et fils dans la réalité, de sorte qu’une véritable complicité et une relation juste et sincère existent entre eux. Leurs regards, leurs attentions tiennent lieu parfois de dialogue.
Par ailleurs la distribution des invitations, nous fait pénétrer dans des familles, qu’elle filme avec tendresse, chrétiennes ou musulmanes, qui toutes ont cette chaleur caractéristique des habitants de ces régions.
Ce huis clos intermittent père-fils, où tout se dit ou se devine, qui fait surgir de grandes divergences entre eux, se terminera autour d’une cigarette, sorte de calumet de la paix qui laisse malgré tout subsister les deux façons d’être palestinien.
Un film aux dialogues efficaces, subtil, intelligent, qui est tout en finesse et humanité, auquel on pardonne aisément quelques longueurs.
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