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Scénario et réalisation : Abdellatif Kechiche. Image : Lubomir Bachkev. Prod. : Lola Films, Jacques Ouaniche. Distr. : Rézo Films.
Avec :
Osman Elkharraz (Krimo), Sara Forestier (Lydia), Sabrina Ouazani (Frida), Rachid Hami (Rachid)
L'esquive est le deuxième long métrage d'Abdellatif Kechiche. Il y poursuit son portrait de la France de l'immigration commencé en 1999 avec La faute à Voltaire, histoire d'un immigré tunisien venant en France pour aider sa famille. La faute à Voltaire a obtenu le Lion d'or de la première oeuvre au festival de Venise 2000.
Résumé :
Magali, adolescente d'une cité dans la banlieue, "sort" avec Krimo, mais le largue sur un coup de tête. Krimo, provisoirement abattu, tombe amoureux de Lydia, ravissante blondinette de sa classe, qu'il rencontre alors qu'elle essaye une robe d'aristocrate du XVIIIéme siècle : elle joue Sylvia dans Le jeu de l'amour et du hasard que les élèves du collège montent sous la direction de leur professeur de français. Pour se rapprocher d'elle et la séduire, Krimo soudoie le titulaire du rôle d'Arlequin et prend sa place sur la scène. Voyant qu'on lui "met la pression", Lydia dans la cité - comme Sylvia sur les planches, face à Arlequin - se laisse désirer et esquive, oscillant entre le oui et le non. Finira-t-elle par céder ? Que deviendra Magali ?...
Analyse :
Marivaux est-il soluble dans "les quartiers"? Abdellatif Kechiche pense que oui et le prouve, film à l'appui et sous deux angles. Tout d'abord en filmant la mise en scène du Jeu de l'amour et du hasard par des élèves d'un collège de banlieue. Ensuite en tissant autour de ce travail théâtral une histoire dont les entrelacs, les chassés-croisés et les rebondissements pourraient avoir été mis en place par notre auteur classique. Une histoire à travers laquelle se déclinent tous les dégradés de la palette amoureuse, et qui établit avec la pièce tout un réjouissant réseau de clins d'oeil et de correspondances.
On est loin du "film de banlieue" attendu. Abdellatif Kechiche, aussi, pratique l'esquive : il déjoue les codes stéréotypés d'un genre bien établi en privilégiant le psychologique sur le social et en libérant la parole des adolescents. Et quelle parole ! Incisive, violente, inventive, métissée, truffée d'images, d'insultes, de récupérations, de néologismes, la langue des cités trouve ici ses lettres de noblesse et revendique l'égalité avec son aristocratique ancêtre : le français du dix-huitième siècle. Et par là - mais pas que par là -, le film d'Abdellatif Kechiche est aussi politique que l'étaient les pièces de Marivaux à leur époque.
Jean Lods
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