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Réalisation : Danis Tanovic - Scénario : Danis Tanovic d’après le roman d’Ivica Djikic - Image : Walther van den Ende - Montage : Petar Markovic - Distribution : Hapiness Distribution.
Avec :
Miki Manojlovic (Divko Buntic), Boris Ler (Martin Buntic son fils), Mira Furlan (Lucija la mère de Martin), Jelena Stupljanin (Azra la beauté rousse)
Réalisateur bosniaque né en 1969 dans le milieu du spectacle (père à la télévision, mère musicienne), Tanovic étudie le cinéma à Sarajevo, s’engage (1992) comme cinéaste dans l’armée de Bosnie-Herzégovine, puis s’installe en Belgique (Institut des Arts du spectacle) et en prend la nationalité. Cirkus Columbia est son quatrième long métrage, après le magnifique No man’s land (2001 ; prix du scénario à Cannes, César du premier film, Oscar du film étranger), puis L’enfer (2005) et Eyes of war (2009). Il a été scénariste de tous ces films, et compositeur musical des trois premiers.
Résumé :
Le communisme yougoslave vient de tomber, Divko Buntic rentre au pays après 20 ans en Allemagne. Il fait expulser de la maison qu’il possède toujours l’épouse qu’il avait quittée, et tente de reconquérir leur fils qui ne l’a jamais connu. Mais vieux nationalismes et différences politiques s’alimentent aux jalousies et intérêts particuliers pour générer un réseau de haines mortifères.
Analyse :
Cirkus Columbia, c’est le nom du manège que Divko retrouve, tel qu’au temps jadis, à son retour au village, et qui servira de cadre, pour conclure, à ses retrouvailles amoureuses avec Lucija, l’épouse longtemps abandonnée. Entre ces deux clins d’oeil à l’innocence de l’enfance, c’est au vitriol que Tanovic peint son tableau de la société yougoslave. Divko a fui du temps de Tito, craignant pour sa vie parce que son père était fasciste. Armé de ses deutsche marks tout-puissants, il se venge aujourd’hui, et si, sens de la justice et de la solidarité ont manifestement déserté la nouvelle Bosnie, les regrets des perdants du moment – « On aurait jamais dû les laisser revenir des camps » – ne font guère regretter leur règne passé. « Maman, un pull, je gèle ! » Un machisme effréné traverse le film dès la première image ; les plaisanteries et défis de jeunes boucs entre garçons, la sinistre atmosphère des bars d’hommes seuls – sauf servantes et prostituées – où l’on fait concours de cul-secs, les regards déshabillant qui accompagnent la rousse compagne qu’a ramenée Buntic, tous ces symptômes de l’androcratie nous sont si familiers que Tanovic doit les exacerber pour en faire percevoir l’anormalité, et en suivre la trace dans l’adhésion de tous ces hommes ‘normaux’ à la mise en place du conflit absurde – « Nous vivons bien ensemble depuis si longtemps » – qui plongera les peuples autrefois yougoslaves dans une longue orgie de massacres, de désastres et de monstruosités. Seul personnage masculin à n’être ni trop lâche ni trop brutal, Savo, le capitaine de l’armée fédérale, n’en utilise pas moins la force publique pour résoudre ses problèmes privés. Martin le fils est encore ‘en chantier’, ballotté entre pulsions et modèles contradictoires. On n’est donc pas surpris que ce soit autour d’une femme, Lucija, que graviteront les quelques lueurs d’espoir qui surnagent dans ces ténèbres ; le réalisateur tempère sa diatribe dans les dernières minutes du film, en retournant son méchant qu’il remet sur les rails d’une vie où le respect d’autrui existe aussi. Cependant on peut trouver forcé cet optimisme de happy end, même si on lui est reconnaissant d’adoucir un peu ce film très intéressant mais guère encourageant.
Jacques Vercueil
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