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Fiche technique :

Réalisation : et scénario : David Cronenberg - Image : Peter Suschitzky - Musique : Howard Shore - Montage : Ronald Sanders - Distribution France : Stone Angels

Avec :

Robert Pattinson (Eric Packer) ; Juliette Binoche (Didi Fancher) ; Paul Giamati (Benno Levin).

Cosmopolis

Canada, France, 2012, 108min.

Réalisation : David Cronenberg

Biographie :

David Cronenberg est né au Canada en 1943. Après avoir débuté des études scientifiques, il obtient un diplôme de littérature à l’Université de Toronto. Ses principaux films, souvent ‘engagés’, sont Crash Prix spécial du Jury à Cannes en 1996, A History of Violence (2005), et plus récemment A Dangerous Method (2011) sur le psychanalyste Carl Young.

Résumé :

Un golden boy de la finance reçoit ses différents conseillers dans sa limousine qui sert aussi de salon pour ses rencontres amoureuses. Autour de lui tout se dégrade petit à petit au cours de la journée.

Analyse :

Un long travelling, à la hauteur des poignées de portes, sur une file de limousines blanches garées devant une colonnade donne d’emblée le ton. On aperçoit cependant sur le trottoir, au niveau du capot des ces voitures luxueuses, des poubelles qui débordent. Opulence de certains, mais démission des responsables du ‘bien public’, tout le sujet est là. Pas d’immeubles futuristes, des rues qui pourraient être celles de n’importe quelle grande ville, on peut se croire dans un futur proche. Là, sous le péristyle, un jeune golden boy, Eric Packer, décide de se rendre chez son coiffeur malgré les encombrements prévus à cause d’un déplacement du Président. Son chef des gardes l’accompagne. « Laquelle est la mienne ? » lui demande-t-il devant la file des chauffeurs prêts à démarrer. A l’intérieur de sa voiture, il se retrouve dans son élément. Il reçoit successivement, dans le salon de cuir aménagé spécialement, son analyste en investissements, son conseiller en sécurité, sa mandataire qui achète en son nom des œuvres d’art, sa sportive maîtresse, son médecin, l’épouse de son garde du corps. Dans chacune de ces conversations on voit se dessiner une légère faille : des doutes sont émis sur la stabilité du yuan ; il est très difficile d’acheter une chapelle avec son contenu artistique ; la frigidité de sa nouvelle épouse est mise en évidence par sa maîtresse ; sa prostate est asymétrique ; sa sécurité est menacée ; ses relations avec la femme du chef de ses gardes du corps est connue du mari. La destruction de son univers se fera graduellement au cours de cette journée, et sa voiture taguée illustrera cette déchéance. Après une pause chez le coiffeur de son enfance, souvenir de temps meilleurs, l’abandon de sa limousine précipitera sa fin. « Le rat devient l’unité monétaire, que fait-on quand ils sont morts ? ». Cette phrase résume l’intention de David Cronenberg : le règne de l’argent engendre le chaos. Pour être toujours en pointe le monde financier analyse la moindre déclaration d’un ministre et si elle est ambiguë ce ne sont plus les mots qu’on interroge, mais le sens supposé des pauses entre les mots. Dans ce système aucune révolte réelle des affamés de la rue n’est à craindre puisque, d’après les possédants, « tout le monde est à dix minutes de devenir riche ». Un lien entre puissance matérielle et puissance sexuelle masculine est évoquée dans les rencontres entre Eric et ses auxiliaires féminines qui succombent toutes à ses charmes alors que Bruno Levin, un ancien employé passé à la trappe, se plaint d’avoir perdu ses capacités en ce domaine en même temps que son emploi.

Cosmopolis est une adaptation d’un roman de Don DeLillo en un scénario écrit en six jours par Cronenberg. Les dialogues, transcrits littéralement du roman, sont d’une grande abstraction et, prononcés dans le huis clos de la limousine, sont coupés de la réalité de l’extérieur, ce qui peut rebuter certains. Mais ils reflètent parfaitement le gouffre entre le monde du capital et celui de la rue, symbolisé par la garniture « proustée » de la voiture (référence de DeLillo au liège dont Proust avait garni les murs de sa chambre). Ce choix de fidélité aux dialogues du roman n’a donc laissé aucune initiative aux acteurs quant au texte relativement long, mais la variété dans le jeu de ceux qui sont reçus dans la limousine permet au jeu de Robert Pattinson, en s’adaptant à chacun de ses interlocuteurs, de se renouveler et de maintenir l’intérêt du spectateur. Ce qu’il réussit impeccablement.

David Cronenberg a réussi le tour de force de porter à l’écran un scénario dont les dialogues abstraits constituent l’essentiel. Certains peuvent se trouver rebutés par cette forme d’expression. Mais l’actualité du propos sur la finance et la séparation entre les deux mondes en présence est une évidence forte qui pousse à l’adhésion. Que Packer ait gardé tout au long de sa journée une certaine dignité dans son respect pour autrui peut le rendre assez sympathique, mais surtout évoque l’énorme aveuglement des possédants, même empreints d’une certaine humanité, envers ceux qui n’ont rien. « Donnez-leur des brioches !» disait Marie-Antoinette pour répondre au peuple affamé.

Nicole Vercueil

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