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Réalisation : Pawel Pawlikowski – Scénario : Pawel Pawlikowski, Rebecca Lenkiewicz- Photo: Lukas Zal- Montage : Jaroslaw Kaminski- Musique : Kristian Selin- Son : Claus Lynge - Distribution : Memento Films
Avec :
Agatha Kulesza (Wanda), Agata Trzebuchowska (Anna, Ida), Dawid Ogrodnik (Lis), Jerzy Trela (Szymon), Adam Szyszkowski (Feliks)
Cinéaste d’origine polonaise, Pawel Pawlikowski a quitté son pays à quatorze ans. A réalisé en Grande-Bretagne, quelques documentaires et deux longs métrages : Transit Palace (2000), My summer of love (2004) – en France : La femme du Vème (2011). La réalisation d’Ida marque son retour en Pologne ; où il se livre à une évocation des grands thèmes de l’histoire de son pays : l’antisémitisme, le stalinisme, la présence de l’Eglise catholique.
Résumé :
Dans la Pologne des années 1960, une orpheline, Anna, se prépare à entrer au couvent. Mais sa supérieure lui commande de rencontrer sa tante, qui ne s’est jamais occupé d’elle, afin de faire la lumière sur ses origines familiales. L’odyssée de la jeune nonne au visage lisse, tournée en noir et blanc, au format carré 1,33 (archaïque) - est le récit d’une expérience de vie avant le possible grand Choix.
Analyse :
Ce film est comme une révélation, une traversée troublante, à la limite du cauchemar, dans une Pologne hantée par ses vieux démons. Toutefois, il ne verse jamais dans le pathos, et c’est tant mieux. Anna va apprendre que ses parents étaient juifs, et qu’ils ont mystérieusement disparu pendant la guerre. On admire la rigueur ascétique des plans et des cadrages (étrangement les visages sont souvent sur le bord du cadre, comme s’ils étaient prêts à passer hors-champ), la caméra est fixe pendant toute la période du voyage « initiatique » d’Anna dans le passé, jusqu’au déterrement des cadavres des parents assassinés. Le travail cinématographique est minutieux et hautement signifiant. Le réalisateur explore, à l’aide de la jeune Anna, les « lieux » de la société polonaise, avec un point de vue « photographique » de l’aveu même de Pawlikowski : le couvent gris et froid, les policiers corrompus, le meurtre des parents par le voisin . Anna, le visage ferme et attentif, affiche sa détermination, son désir d’aller jusqu’au bout de l’aventure (et de l’horreur), comme s’il était dit qu’explorer le passé est nécessaire pour vivre au présent. Wanda, la tante, est brune et belle comme Anna, elle a vécu l’engagement politique au temps du stalinisme, et surtout goûté à la vie de femme libre, qui fume et boit comme un homme, et change d’amants comme elle respire. Elle décide d’aider Anna dans sa quête. Sa relation bourrue et rejetante se révèle peu-à-peu d’une grande profondeur. Anna regarde, observe cette femme marginale de façon non jugeante, mais qui sait lui montrer son affection, on sent qu’elle apprend beaucoup de Wanda sans tomber dans la dépendance. Femme debout et résolue, c’était donc cela que voulait la Supérieure dans sa clairvoyance ? Le réalisateur a voulu que la musique soit prise chez Mozart (Symphonie Jupiter), l’effet est poétique et pacifiant dans l’univers figé, glacé des appartements et des lieux publics. Il y a également des airs de Coltrane (saxo), de rock (évocation d’un pays qui s’ouvre au monde non communiste). La musique hautement spirituelle de Bach apparaît dans la toute dernière séquence, tournée caméra à l’épaule: travelling arrière, filmant de face la marche rapide d’Anna, qui a quitté son premier et probablement dernier amant. Pièce jouée au piano « Ich rufe zu Dir Jesus », appel à Jésus, témoin peut-être de la vocation énergique et nouvelle d’Anna au terme de son itinéraire familial et humain. Imaginons ce qui plaît à notre sensibilité. De ce film, on ne sort pas indemne.
Alain Le Goanvic
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