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Réalisation : Brüggemann Dietrich –Scénario : Anna et D.Brüggemann - Photo : Alexander Sass – Montage : Vincent Assmann - Distribution : Memento Films
Avec :
Léa van Acken (Maria), Franziska Weisz (la mère), Florian Stetter (le Père Weber), Lucie Aron (Bernadette), Moritz Knapp (Christian)
Dietrich Brüggemann a étudié la réalisation à l’école de cinéma de Postdam (HFF Konrad Wolf) de 2000 à 2006. Il est remarqué à la Berlinale en 2006 avec Neun Szenen. Puis en 2010 il revient à Berlin avec Run if you can (Section Perspektive Deustches Kino). Chemin de croix, quatrième film co-écrit avec sa sœur, reçoit deux prix à la Berlinale 2014 : Ours d’Argent (Meilleur scénario), Prix du Jury Œcuménique. Un cinéaste prometteur dans le jeune cinéma allemand.
Résumé :
Maria 14 ans vit dans une famille catholique fondamentaliste. A la maison comme à l’école, son quotidien est régi par les préceptes religieux. Entièrement dévouée à Dieu, elle n’a qu’un rêve : devenir une sainte. Suivant l’exemple de Jésus, elle entame son proche chemin de croix, dont rien ni personne ne peut la détourner.
Analyse :
Le film fait débat. Les milieux catholiques rejettent ce monde ultraréactionnaire, qui tourne le dos à l’esprit du Concile Vatican II. Les milieux protestants ne se sentent pas à l’aise avec la question de la sainteté. Va-t-on pour autant entrer dans un débat théologique ? Il est vrai que le sacrifice, voulu par Maria, « permet » à son jeune frère Johannes, 4 ans, de sortir de son silence et de prononcer les mots de la guérison. Là les avis sont partagés. Le petit frère dont elle s’occupe lui obéit ; il fait tout ce qu’elle demande. On notera son regard attentif à ce qui passe dans la famille (exemple, la scène du repas où Maria reçoit les très dures remarques de sa mère). La proposition du réalisateur échappe à mon avis à l’exposé d’un cas religieux. Il doit être compris dans un sens métaphysique ou dans une vision spirituelle des relations au sein d’une famille étouffante (pourquoi le jeune enfant est-il aphasique ? on peut se le demander) malgré les efforts de la mère « qui veut bien faire » pour sa fille. Le père silencieux assiste à la progression inexorable vers le drame, la mère dans son délire montre sa totale incapacité à diriger sa fille. Maria est seule (enfin, pas tout-à-fait, car il y a Bernadette, seul point d’ancrage possible), elle subit la loi de l’extérieur : le prêtre réac, la mère sûre d’elle-même, le père contrit et suiveur, l’école aux antipodes de son monde intérieur. Il faut prendre du recul sur ce récit, remarquablement construit (14 plans fixes calqués sur les 14 stations du chemin de croix, trois mouvements de caméra : panoramique, travelling latéral, mouvement de grue en spirale vers le ciel). Maria est inaccessible, elle s’approprie son destin intérieur. Mais son anorexie constatée par le médecin dénote une révolte profonde…contre sa mère. C’est pourquoi le film ne peut se résumer à une charge contre l’intégrisme, en dépit des déclarations du réalisateur : « nous voulions décrire la mécanique du pouvoir dans une famille, (laquelle se combine) avec une certaine idéologie ». Il y a autre chose, un drame existentiel. C’est ce que révèle la scène dans le magasin funéraire. La mère doit choisir entre plusieurs cercueils, elle ne parle, exaltée, que de « la sainteté » de sa fille. Le père se lève, outré par ce qu’il entend. Le vendeur quitte la salle. Et à ce moment, la mère s’effondre en larmes. N’est-ce pas la prise de conscience du désastre moral dans lequel elle se trouve, de l’inanité de ses convictions ? Tout prend son sens. Le jeune garçon qui se met à parler au moment où il perd la seule personne qui compte, et la mère dont la carapace explose devant la perte irrémédiable de sa fille. L’impasse où est la famille trouverait–t-elle une issue ?
Alain Le Goanvic
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