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Réalisation : Munzi Francesco - Scénario : Francesco Munzi, Maurizio Braucci & Fabrizio Rugirello (d'après le roman de Gioacchino Criaco) - Image : Vladan Radovic - Montage : Cristiano Travaglioli - Musique : Giuliano Taviani - Distribution France : Bellissima films
Avec :
Marco Leonardi (Luigi), Peppino Mazzotta (Rocco), Fabrizio Ferracane (Luciano), Barbora Bobulova (Valeria), Anna Ferruzzo (Antonia), Giuseppe Fumo (Leo)
Diplomé en Sciences politiques, Francesco Munzi (Rome 1969) s'est formé (réalisation et scénario) au Centro Sperimentale di Cinematografia (1998, école nationale italienne de cinéma et cinémathèque). Son premier long métrage, Saimir (2004) (fils d'un trafiquant albanais de clandestins) fut remarqué à Venise (Première œuvre) et obtint un Donatello. Le second, Il resto della notte (Le reste de la nuit, 2008 : la peur des immigrés chez les bourgeois) fut sélectionné à Cannes (Quinzaine des réalisateurs). Anime nere est le troisième.
Résumé :
Des trois frères Calabrais, l'aîné Luciano est resté berger au pays, comme son père autrefois assassiné par une famille rivale. Les deux autres sont dans le trafic international de la drogue, Rocco richement installé à Milan, Luigi frénétiquement actif sur le terrain. Luciano se veut loin de ce milieu mafieux, mais son fils Léo, fasciné par le prestige des armes et de l'argent, provoque bêtement une explosion de violence et de meurtres.
Analyse :
Après Gomorra (Matteo Garrone, 2008) dénonçant la camorra napolitaine, un nouveau coup de projecteur sur une autre des plaies de l'Italie, la n'dranghetta calabraise ? Sans doute, le meurtre du père et les activités des deux frères cadets s'insèrent dans le contexte de cette culture criminelle (basée, en Calabre, sur les liens familiaux) qui a désormais débordé ses frontières régionales et pris pied en Italie du nord et hors du pays. Mais on n'apprendra rien de plus sur cette organisation, son emprise, ses sources de pouvoir et ses méthodes d'extorsion et de coercition. Le film est tout entier concentré sur l'enchainement de violence déclenché par le geste stupide, tous sauf lui sont d'accord sur ce point, d'un jeune homme peu capable de réflexion, et que l'indulgence de plusieurs de ses proches met sur une trajectoire mortifère : indulgence pour les actes de la famille, indulgence pour les actes violents, indulgence pour l'argument de vengeance. Vu ainsi, Anime nere est en quelque sorte une dénonciation de la stupidité, ce qui peut sembler bien vain.
D'autres centres d'intérêt se manifestent à travers le personnage de Luciano, berger qui rêve d'un paradis terrestre où il suivrait ses chèvres sur les broussailles des pentes ou les galets des plages. Munzi a filmé avec une délectation particulière le troupeau hérissé de cornes contournées et vêtu de robes mêlant le feu, la neige et la nuit. Luciano est las de cette soif de meurtres qui semble animer aussi bien ses frères que les familles alliées ou ennemies, et tente avec persévérance de détourner le flot dévastateur ; mais son échec auprès de son fils, qui lui crie son mépris de ce comportement, va le désespérer. On a le sentiment, devant cette haine absurde, obtuse et contagieuse, de rencontrer la même gangrène à laquelle s'alimentent les réseaux terroristes que nos sociétés ne savent pas maîtriser.
On sera reconnaissant de ce que le film, plongé dans une ambiance de violence omniprésente et sans retenue, soit à cet égard d'une grande pudeur visuelle, ce qui n'enlève rien à sa cruauté. On y observe quelques rôles féminins tristement traditionnels, comme le demande la peinture du milieu : compagnes décoratives, aimantes et angoissées, ou vieilles résignées qui en ont déjà vu tant partir, mais toutes impuissantes devant un monde où elles n'ont pas la parole. Enfin, presque pas : elles s'insurgent, tout de même, lorsque les carabiniers, après chaque meurtre, se précipitent chez la victime et renversent devant elles les tiroirs des commodes : démonstration parodique de force et de zèle, signifiant prudence ou complaisance envers les criminels.
Jacques Vercueil
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