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Réalisation : Anderson Paul Thomas - Scénario : Paul Thomas Anderson d'après le roman éponyme de Thomas R. Pynchon – Image : Robert Elswit – Montage : Leslie Jones – Musique : Johnny Greenwood - Distribution France, Warner Bros
Avec :
Joaquin Phoenix (Doc Sportello), Josh Brolin (l'inspecteur Bigfoot), Owen Wilson (Coy Harlingen), Jena Malone (Hope Harlingen), Reese Witherspoon (Penny Kimball substitut du procureur)
Né en 1970 en Californie, Paul Thomas Anderson, fils d'un monteur de Hollywood, s'est très jeune voué au cinéma, mais en suivant son propre chemin. Réalisateur brillant et scénariste de tous ses films, qu'il a produits dès le second, son premier long métrage Sidney (1996) a été projeté à Cannes ; Magnolia (2000) a obtenu l'Ours d'or à Berlin, et Punch Drunk Love (2002) le prix de mise en scène à Cannes. Puis There will be blood (2007) connut un énorme succès de public, et D. Day-Lewis y gagna un Oscar de meilleur acteur. The Master fut aussi l'occasion de remarquables interprétations (Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams).
Résumé :
Doc Sportello est un détective privé qui opère dans le milieu de la drogue, des hippies et de la corruption du Los Angeles 1970. Son ex-compagne Shasta débarque pour lui demander secours : son riche protecteur Wolfsman est menacé par son épouse et l'amant de celle-ci, il a disparu, elle-même a peur...
Analyse :
Voilà un film policier dans l'exacte veine des vieux romans classiques – Sam Spade de Dashiell Hammett, Philip Marlowe de Raymond Chandler – avec tout ce qu'il faut de jeunes personnes égarées, de messieurs riches et tout-puissants, de disparitions et réapparitions. Le seul 'juste', à ses propres yeux, c'est Doc le 'privé', qu'on verra toujours sous quelque vapeur, imprévisible et indépendant, prenant des coups plus souvent qu'il n'en donne, sa sagesse étant de ne jamais croire un client, encore moins une cliente, et surtout pas les autres ; la terreur la plus présente, c'est Bigfoot, le flic aux cheveux en brosse et à la nuque rouge, brutal et fasciste, au service de l'argent. Les appels au secours se multiplient, les enquêtes aussi, pistes et méfaits s'enchevêtrent : on a très peu de chances de comprendre l'intrigue, mais bien sûr peu importe, elle n'est qu'un prétexte au voyage en train fantôme.
Le fantôme, c'est la Californie 1970, comme l'annonce l'affiche du film aux couleurs psychédéliques vert et magenta. Contre-culture hippie au temps de la guerre du Viet-Nam, fascination pour les grosses décapotables Cadillac ou Oldsmobile, pour le rock, les Doors et les Beattles, pour les psychotropes, LSD, cannabis, et plus. Epoque aussi de peur et de paranoïa, qui fait coexister dans le film la brutalité anti-hippie de Bigfoot, les expulsions de communautés pauvres pour faire place aux spéculations immobilières de Wolfsman, les menaces terroristes de Tareq et du Black Power et les brigades nazi de la Fraternité Aryenne, le souvenir tout frais de la 'famille' Manson et l'assassinat de Sharon Tate et ses amis... Fantôme évoqué avec un mélange de nostalgie et de moquerie. Nostalgie : le film, après le livre, en témoigne par de nombreux clins d'œil aux événements, personnages, musiques, repères du temps où Pynchon vivait là-bas. Moquerie, elle s'exprime par le style bouffon et exagéré qui prévaut à travers toute la réalisation : favoris simiesques de Joaquim Phoenix et ses perpétuelles grimaces, maquillage écœurant de la brave tante Reet, banane glacée au chocolat que Bigfoot déguste en acteur de peep show, indignation de vieille prude de Chastity Wolfsman... L'évocation des ravages de la drogue se fait sur le même registre – voir les ratiches artificielles de Japonica ou le cri d'horreur de Doc devant une photo, qu'on ne verra pas, de bébé drogué.
La fidélité au livre éponyme est loin d'être absolue, malgré une affiche copiée de sa couverture ; mais si Inhérent Vice (« défaut intrinsèque » et donc 'inassurable', comme couler pour l'eau ou fondre pour la glace) est la première mise à l'écran d'un roman de T.R.P., c'est qu'ils sont tous considérés impossibles à adapter. Aussi faut-il apprécier de retrouver en si grand nombre personnages, lieux, plaisanteries et péripéties du roman : ce sont des passages entiers qui sont lus par Sortilège, l'astrologue qui sert aussi de narratrice en voix off. Certes, la gageure était difficile à tenir ; le résultat peut être jugé long, compliqué, et parmi tant de personnages mis en scène certains se perdent en route, tandis que le spectateur risque d'en oublier d'autres... Mais la réalisation est jubilatoire et tonique, et ce voyage dérisoire au temps du flower power ne réjouira pas que les Baby boomers.
Jacques Vercueil
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