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Réalisation : Guzmàn Patricio – Scénario : Patricio Guzmàn – Directeur photographie : Katell Djian – Musique : Hugues Maréchal et Miranda &Tobar – Montage : Emmanuelle Joly – Ingénieur du son : Alvaro Silva Wuth – Mixage : Jean-Jacques Quinet – Production : Renate Sachse, Bruno Bettati, Fernando Lataste et Jaume Roures – Distributeur France : Pyramide Distribution
Avec :
Narrateur: Patricio Guzmàn
Après des études à l'Ecole Officielle de l'Art Cinématographique à Madrid de 1966 à 1969, le chilien Patricio Guzman produit et réalise La bataille du Chili (1974-1977). Cette trilogie de cinq heures sur la période finale du gouvernement de Salvador Allende remporte six grands prix en Europe et en Amérique latine. Exilé à Paris il réalise plusieurs documentaires sur les bouleversements majeurs que connaît le Chili en cette fin de XXe siècle. Il revient au Chili et tourne en 2010 Nostalgie de la lumière. Puis, à 74 ans, Le bouton de nacre.
Résumé :
Ce documentaire sur les rapports entre l’eau et le cosmos, les anciens peuples de Patagonie, nomades de l’eau, et leur destin tragique, glisse doucement, au fil de l’eau, vers l’histoire terrifiante du Chili de Pinochet. La découverte d’un bouton de nacre au fond de l’eau renvoie aux crimes des tortionnaires de ce régime, lorsque l’océan servait de linceul aux torturés que l’on jetait, morts ou vifs, depuis un hélicoptère.
Analyse :
Il faut un singulier talent pour construire un documentaire à la fois plein d’art, de poésie, d’images d’une époustouflante beauté, de réflexions philosophiques et en même temps témoin d’une histoire cruelle, passée et récente, avec des images à la limite du supportable. Les membres du jury de la Berlinale 2015 ne s’y sont pas trompés, qui lui ont attribué l’ours d’argent, meilleur scénario.
Patricio Guzmàn commence son film avec la vision d’un cube de quartz millénaire qui renferme une goutte d’eau fossilisée. Le son du craquement des glaces, du bruit de l’eau puis un commentaire en voie off, avec la chaleureuse voix de Patricio Guzmàn nous entraine dans l’histoire de l’eau et du cosmos ; l’eau est au cœur des étoiles et l’homme est intimement relié aux deux. C’est le premier niveau de la narration.
Puis Guzmàn glisse dans le temps le long de ce fil conducteur qu’est l’eau en créant des métaphores et des raccourcis d’une grande habilité.
Déjà dans la Nostalgie de la lumière (2010) il avait réalisé un film cosmique sur le désert d’Atacama dans l’extrême nord de son pays, où les familles cherchaient inlassablement et désespérément dans le sable les ossements des leurs proches sacrifiés par les barbares du régime de Pinochet. Dans le bouton de nacre il poursuit cette réflexion dans l’extrême sud, en Patagonie, où l’eau remplace le sable. Dans ce pays vivaient cinq groupes ethniques qui, nomades de la mer, sillonnaient l’océan à bord de leurs canoës et en tiraient leur subsistance. Cet océan que franchit un jour de 1830 un indigène, emmené en Angleterre par un jeune officier pour découvrir la civilisation britannique, moyennant un bouton de nacre, d’où son nom de Jemmy Button, première apparition de cet objet dans le documentaire. Le réalisateur se livre à un travail d’anthropologue, à la recherche de la vingtaine de descendants de ces groupes ethniques, décimés par l’arrivée des blancs venus de la mer qui ont provoqué chaos et extermination. Moments émouvants quand il leur demande de donner la traduction dans leur langue de divers mots. Travail d’ethnologue aussi par la dimension et le relief que donne sa caméra aux objets qu’elle investit ; musique de l’eau dans le chant surprenant d’un anthropologue qui reproduit les différents sons d’un ruisseau. C’est le second niveau de la narration.
Cet océan, source de vie deviendra le cimetière de quelques 1400 desaparecidos du régime Pinochet. Avec minutie Guzmàn nous montre comment le régime, pour s’assurer l’impunité dans l’histoire, faisait disparaître les corps en les attachant soigneusement à un rail pour qu’ils se dissolvent dans la mer. Un bouton de nacre, collé à un rail récupéré dans les grands fonds, est le témoin terrible et muet de cette infamie. C’est le troisième niveau de la narration.
Cette progression douce mais implacable fait toute la force de ce documentaire qui ne peut pas nous laisser indifférents.
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