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Né dans le Shaanxi en 1967, Wang Bing débute sa carrière de cinéaste indépendant en 1999 avec A l’ouest des rails, couronné par de nombreux prix, qui retrace la vie des ouvriers d'un énorme complexe industriel en déclin et de leurs familles. De même en 2007 Fenming, Chronique, d’une femme chinoise puis en 2012 Les trois sœurs du Yunnan redonnaient-ils aussi une existence aux oubliés du développement économique chinois.
Résumé :
De janvier à avril 2013, le cinéaste Wang Bing a filmé le quotidien d'un hôpital psychiatrique situé dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine, où vivent enfermés environ 200 hommes livrés à eux-mêmes. Internés depuis plus ou moins longtemps dans ces locaux misérables, les résidents, malades ou simplement parasites pour leur famille ou le gouvernement, tentent de survivre et de résister physiquement et mentalement à la déchéance de leur existence dans un univers sans espoir...
Analyse :
Les spectateurs qui apprécient le cinéma du Réel ne seront pas rebutés par la longue durée de ce film, habituelle à l’auteur. Celui-ci a enregistré plus de 300h de rushes, exclusivement à l’étage des hommes de cet asile, pour nous offrir une œuvre qui restitue à toutes ces personnes leur humanité et leur dignité et témoigne de son amour pour eux - du reste Feng ai, le titre original du film, signifie « amour fou » ou « fou d’amour » ! Le quotidien de ces encagés se déroule autour d’une coursive donnant en hauteur à travers des barreaux de fer sur une cour plantée d’un seul arbre, et sur laquelle s’ouvrent leurs chambres-cellules. Les médecins, les gardiens, comme toutes les instances administratives sont quasi invisibles et ce hors champ concentre notre attention sur la vingtaine d’hommes qui ont accepté d’être filmés. Ce qui intéresse l’auteur n’est ni la dénonciation politique, ni l’étude de l’éventuelle progression de la folie chez ceux d’entre eux finalement nombreux qui étaient sains d’esprit à leur arrivée. Il a plutôt choisi, en leur consacrant à chacun un chapitre, de comprendre comment il arrive à survivre, en le filmant avec une empathie perceptible que le dispositif renforce : la caméra tenue à la taille,- micro incorporé pour éviter par discrétion la perche, sans voix off ni accompagnement sonore-, enregistre alternativement des plans fixes et de longs travellings dans le cadre de plans séquences pour rendre plus sensible le vécu suspendu et répétitif des détenus dans un espace sans intimité, et permettre à l’événement de leur comportement d’advenir aux yeux du spectateur. Observés dans leurs moindres gestes, et jusqu’aux plus intimes que ne s’est pas interdit de montrer Wang Bing, l’humanité de ces hommes se déploie et, malgré une violence prête à resurgir, une certaine forme d’organisation sociale se met en place tandis qu’un besoin d’amour et de contact physique tendre semble parfois transcender chez eux de façon émouvante la pulsion sexuelle. Un aperçu bouleversant de la condition humaine !
Jean-Michel Zucker
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