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Réalisation : Guérif Andy - Andy Guérif, co-scénariste Jérôme Auger (Jésus), Pierre Josse (Pierre), François Pichon (Hérode), J-Luc Herault (Caïphe), Emmanuelle Cosset (Marie), Clémence Henry (Marie-Madeleine), Damien Guerif & Emmanuel Rodriguez (Judas), Gregory Markovic (Thomas), Gautier Pallancher (Ponce-Pilate) sa sœur Anna Bruggemann - Image : Alexander Sass - Montage : Vincent Assman - Musique de Giuliano Taviani - Distribution France : Bellissima films
Avec :
Jérôme Auger (Jésus), Pierre Josse (Pierre), François Pichon (Hérode), J-Luc Herault (Caïphe), Emmanuelle Cosset (Marie), Clémence Henry (Marie-Madeleine), Damien Guerif & Emmanuel Rodriguez (Judas), Gregory Markovic (Thomas), Gautier Pallancher (Ponce-Pilate)
Andy Guérif (1977-) diplômé des Beaux-Arts à Angers (2001) où il vit et travaille, est cinéaste et plasticien (Le code de l'art, ed. Palette 2013, associe panneaux routiers et peintures célèbres). Après quelques courts métrages, Cène (2006, 31 min) préfigure Maesta dont il traite déjà l'un des éléments. Il a travaillé sept ans (2008-2015) à ce premier long-métrage.
Résumé :
Le retable Maesta du peintre Duccio de Boninsegna fut peint de 1308 à 1311 pour l'autel de la Cathédrale de Sienne (Italie). Cest l'une des principales peintures pré-Renaissance. Les décors, d'abord vides, des 26 tableaux qui illustrent au dos du retable la Passion de Jésus-Christ, se peuplent des personnages de l'original, en respectant la succession chronologique des scènes décrites.
Analyse :
Le procédé – un tableau peint préexistant devient un instant d'une brève séquence filmique, qui en reproduit décors et personnages mis en scène dans une narration suggérée par l'image – est celui de Gustav Deutsch pour Shirley (selon Edward Hopper) vu l'an dernier sur nos écrans. Cet artifice prend ici une grande richesse du fait de trois circonstances particulières : d'abord, l'original est du XIV° siècle, bien loin des conventions actuelles, qu'il s'agisse des décors, des attitudes, des vêtements ; ensuite, Guérif a choisi (sauf l'exception initiale) d'afficher en plan fixe à l'écran l'ensemble du tableau de Duccio, dont l'animation progressive (en split screen) au fil des étapes de la Passion crée une dramaturgie qui circule à travers le tableau (proportions 425x212 cm) ; enfin, l'histoire narrée est connue et fixée, c'est celle de la Passion, mais les détails de l'animation propre à chaque saynette sont une création du cinéaste, dans le cadre du texte évangélique, avec arrêt sur image à l'instant que Duccio a choisi d'illustrer.
Ces multiples registres sollicitant intérêt et attention font vivre au spectateur une expérience intense, exigeante, heureusement brève (une heure). La faible dimension à l'écran des cadres de chaque saynette (en moyenne, 4% de la surface totale) conseille de s'asseoir dans les premiers rangs de la salle, et oblige à observer soigneusement l'écran (parfois, plusieurs saynettes en différents endroits vivent simultanément) ; de même pour la bande son : les images sont 'bruitées', mais les voix sont souvent inintelligibles – il s'agit en effet de propos proférés dans des groupes qui ne sont pas sensés s'adresser au spectateur – sauf quelques mots-clés saillant du fonds sonore. En outre, les décors initialement vides ne permettent pas toujours au spectateur non spécialiste de situer le lieu où se déroulera l'action, et l'on fouille ce que l'on peut avoir de souvenirs bibliques pour reconnaître l'épisode.
La première scène, seul cas d'un affichage plein écran, est celle de la Crucifixion. Elle aide à comprendre le propos du cinéaste : ce que Duccio a fait au XIV° siècle, choisissant un instant de l'événement, un groupe d'acteurs (certains inévitables, bien sûr), leur placement, leurs vêtements, leurs gestes, sous forme d'un instantané que les techniques de son temps ne lui permettaient pas d'éviter – cela peut être refait de nos jours sous forme d'une séquence animée, respectant les choix du peintre mais y ajoutant la durée, le mouvement, et le son. Par exemple, les cris des deux larrons cloués sur leur croix sont remplacés, lorsque vient le tour de Jésus, par les hurlements de la foule, plaisir, horreur et douleur, qui rendent les siens inaudibles.
Ainsi, trois buts sont atteints : la visite vivante d'un chef d'œuvre de la peinture universelle, dans une réinvention du processus créatif totalement imaginaire, mais riche de sens ; le parcours illustré d'un épisode fondamental de la foi et de la culture chrétiennes, sous une forme neuve et pédagogique à l'endroit aussi bien des connaisseurs du texte biblique que des autres ; enfin, une réflexion stimulante sur les choix qu'appelle toute représentation – Guérif s'est plu à exposer ceux de Duccio quant à la perspective dans l'espace – et leurs conséquences pour la forme et le sens de l'objet d'art. Tout cela en une heure, on peut admirer !
Jacques Vercueil
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