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Réalisation : Joris Lachaise - Scénario, montage, cadrage : Joris Lachaise – Musique : Bertrand Wolff – Ingénieur du son : Raoul Khary Sow – Distribution France : Ed Distribution
Joris Lachaise est passé par des études de philosophie avant d’aborder le cinéma où il devient cadreur, monteur, reporteur, puis réalisateur. En 2005 il réalise avec Jean-Pierre Krief Saddam Hussein : chronique d’un procès annoncé. En 2009 il réalise avec Thomas Roussillon Comme un oiseau dans un aquarium, sur le droit au logement à Angers de demandeurs d’asile africains, roms ou jeunes SDF.
Résumé :
Documentaire sur l’hôpital psychiatrique de Thiaroye au Sénégal.
Analyse :
Joris Lachaise nous immerge, une heure et demie durant dans le monde terrible d’un hôpital psychiatrique de Dakar. Son propos n’est ni médical, ni sociologique, ni psychologique. Le réalisateur pose un simple regard, qui force le nôtre, sur ce monde déconcertant. Ce qui rend ce documentaire passionnant, au-delà du propos, c’est que nous sommes dans une Afrique post coloniale qui, ici comme dans beaucoup d’autres domaines, se cherche en essayant de concilier l’apport du Blanc et les traditions de ses sociétés. C’est particulièrement vrai dans ce que l’on appelle « la folie », mal individuel, mal de société ou invention de l’homme occidental ?
Le documentaire commence par un gros plan sur une pipe dont on découvre qu’elle est fumée par un vieux monsieur, d’une magnifique élégance, qui nous semble être un vieux sage. Mais progressivement, au cours du film on réalise qu’il est dans son monde, un monde étrange à nos yeux de Blancs, mais non à ceux de sa compagne qui semble comprendre et être apaisée par des gestes qui nous échappent totalement. On touche la limite de la compréhension du monde africain qu’ont éprouvée certains Blancs qui y ont vécu, un peu sur la marge, sans être immergés dans cette société si riche, et parfois si injustement décriée parce qu’incomprise.
Pour réaliser son documentaire à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye Joris Lachaise s’est appuyé sur Khady Sylla, aujourd’hui décédée, cinéaste et écrivaine, qui a été internée à plusieurs reprises dans cet hôpital. C’est elle qui pose toute la problématique du film. Faut-il soigner les « malades » par les drogues et la chimie des médecins coloniaux, ou faut-il les soigner par les méthodes traditionnelles, marabout, exorcistes et autres ? En fait, beaucoup de soignants, et en particulier le Professeur Sara Sey, revendiquent une approche multiculturelle de la folie, fidèles à l’enseignement d’Henri Collomb (1913-1979), médecin psychiatre fondateur à l’hôpital de Fann à Dakar d’une école de psychiatrie qui fût parmi les premières à mettre en pratique les fondements d’une approche anthropologique de la folie, et aux thèses anticoloniales de Frantz Fanon (1925-1961), psychiatre en Algérie. L’intégration de la culture de l’individu dans sa thérapie rejoint les préoccupations de l’ethnopsychiatrie, discipline fondée par Devereux (1908-1985) et animée aujourd’hui par son disciple, Tobie Nathan. Les désordres psychologiques d’un individu doivent être mis en relation avec son milieu culturel et avec les interprétations et les traitements de ce système culturel. L’hôpital fait d’ailleurs appel à certains exorcistes pour soigner certaines pathologies.
Joris Lachaise n’a pas construit pour autant son documentaire sur une opposition entre Afrique et Occident, mais sur une opposition intérieur extérieur, en surexposant la blancheur des murs de l’hôpital. Son travail doit beaucoup à Jean Rouch qui, lui aussi, filma « la folie » dans les Maîtres fous. Il y a des séquences angoissantes, comme celle de ce pauvre homme en cellule d’isolement qui crie sa faim et sa soif, ou celle de l’exorcisme. Mais ce documentaire est passionnant et bouleversant.
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