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Réalisation : Werner Herzog - Scénario, Werner Herzog, d'après le livre de Tom Bissell - Image, Peter Zeitlinger - Montage, Joe Bini - Musique, Ernst Reijseger - Distribution France, Potemkine
Avec :
Veronica Ferres (Laura Sommerfeld), Gael Garcia Bernal (Fabio Cavani), Volker Michalowski (Meier), Mike Shannon (Matt Riley), Lawrence M. Krauss (Krauss), Danner et Gabriel Marquez (Huascar et Atahualpa)
Werner Herzog, né en 1942, fut un des protagonistes du cinéma allemand des années 1970. Ses grands chefs-d'œuvre sont restés célèbres, entre autres : Aguirre la colère de Dieu (1976), Fitzcarraldo (1982), deux épopées délirantes dans une Amérique du Sud aussi belle que sauvagement cauchemardesque. Plusieurs autres films, comme Fata Morgana (1971) )ou Le Pays où rêvent les fourmis vertes (1984) font écho à leur manière à Salt and Fire, sa 103° réalisation.
Résumé :
Laura Sommerfeld, à la tête d'un trio scientifique mandaté par les Nations unies, débarque en Bolivie pour enquêter sur une catastrophe écologique. L'équipe est enlevée à l'aéroport et emmenée dans une hacienda éloignée, tenue par des encagoulés. Le chef abandonnera Laura sur le site de la catastrophe, un grand désert où le sel se répand, et où elle sera en charge de deux gamins malvoyants...
Analyse :
Comme d'autres films de Herzog, celui-ci peut sembler d'abord relever de la provocation : le récit, après des méandres inutiles, se perd dans les sables. Voyez les deux compagnons de Laura, Fabio petit, Meier nabot à côté de cette sculpturale walkyrie : l'un la harcèle de ses mains fureteuses, l'autre se jette sanglant sur le pare-brise du 4x4 qui l'emporte, et l'on ne parlera plus d'eux. Clins d'œil d'humour, et c'est tout ? Les invraisemblances de l'enlèvement ne sont aucunement camouflées, et son but nous reste caché (rien n'est revendiqué ni demandé aux otages), sauf à admettre comme tel le séjour de Laura au désert (d'ailleurs destination de sa mission scientifique !)
Parmi les maintes directions vers où chercher un sens à ce surprenant puzzle cinématographique (telles que la meurtrière colonisation de l'Amérique), j'en évoquerai ici deux en particulier. La première est dans la continuité des obsessions du réalisateur, qui explore sa planète depuis l'enfance et a multiplié documentaires et fictions pour mettre en valeur paysages et personnages hors du commun. Il en fait découler, en négatif, le tableau d'une existence humaine absurdement inadaptée au monde hostile qu'elle habite, renvoyant dans l'anormalité tout ce qui nous semble normal, et, en positif, celui de l'unicité de la Terre et de l'Humanité, par-delà les distances de l'espace, du temps et des cultures. L'autre direction est celle d'un message écologique que je dirai fondamentaliste, parce qu'ici décliné sans aucun rapport à la réalité : le sel multimillénaire du salar d'Uyuni et le volcan Uturuncu endormi depuis 270 000 ans jouent le rôle de la menace anthropogène. Le chef guérillero (Michael Shannon, seul à dominer, de presque un décimètre, la grande Véronica Ferres) établit le lien entre les images fabuleuses d'un paysage surhumain, et celles émouvantes des enfants handicapés.
Le savant fou de rigueur dans un tel contexte, Krauss, au fauteuil roulant usurpé, est joué par un physicien éponyme de l'Université d'Arizona (La physique de Star Trek, 1995). L'éblouissante blancheur du miroir salé, confrontée à la puissance incontrôlable du feu volcanique, symbolise l'extrême fragilité de notre planète, qui rejoint celle des deux enfants dont l'impuissance n'a pour secours que la compassion, moralement obligée, de Laura.
Le réalisateur met certes à dure épreuve le besoin de sens de ses spectateurs. Mais va-t-on demander au Jardin des délices de Bosch, au Bateau ivre de Rimbaud ou aux Gymnopédies de Satie une mode d'emploi explicatif et rationnel ? Alors, pourquoi en chercher un là où manifestement Werner Herzog n'en souhaitait pas ?
Jacques Vercueil
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