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Avec :
Alseni Bathily : Youri ; Lyna Khoudri : Diana ; Jamil McCraven : Houssam ; Finnegan Oldfield : Dali ; Farida Rahouadj : Fari ; Denis Lavant : Gérard.
Fanny Liatard et Jerémy Trouilh se sont rencontrés à l'occasion de leurs études à Sciences Po dans les années 2000. Ils réalisent plusieurs courts métrages : La république des enchanteurs (2015, primé au festival de Pantin Côté Court), Gagarine (2016) et Chien Bleu (2018), réalisé à Aubervilliers, en co-création avec les habitants des quartiers et des associations locales, et nommé au César du meilleur court métrage.
Résumé :
Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend sa démolition prochaine, Youri décide d’entrer en résistance. Avec la complicité de ses amis Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, son " vaisseau spatial ".
Analyse :
Il s’agit du premier long métrage des réalisateurs, il a été tourné dans la cité du même nom à Ivry, juste avant sa destruction, et a été nommé au Festival de Cannes 2020 (catégorie Premiers films), mais ne sort que maintenant, à cause du confinement. Il a néanmoins reçu le prix de la meilleure réalisation au festival international du film d’Athènes, et aussi celui de meilleur acteur pour Alseni Bathily au festival du film européen de Séville.
La présence d’images documentaires d’époque – la cité a été inaugurée par Gagarine soi-même en 1963 avant sa destruction en 2019 – convoque l’histoire d’une politique de la ville avec ces grandes barres de banlieue que les habitants, pour la plupart issus de l’immigration, se sont appropriés, en en faisant, malgré tout, un endroit chaleureux et solidaire. L’état de vétusté des locaux signe la fin de ces immeubles. Youri, le rêveur taiseux abandonné par sa mère, tout comme les banlieues le sont des pouvoirs publics, décide, contre tout principe de réalisme, de sauver sa cité. Nouvel aventurier de l’espace, il bricole les ascenseurs de l’immeuble, comme un cosmonaute sa navette. Mieux, il se fabriquera un vaisseau spatial dans l’immeuble qui se désagrège.
À cheval entre la chronique sociale (la destruction du camp des Roms mise en parallèle avec celle de la cité, l’intervention policière musclée avec la série des déménagements bricolés) et le film de science-fiction (avec, au passage, quelques références à Steven Spielberg ou Joe Cornish) ce film réussit le pari inouï d’unir un propos politique affirmé et une dimension allégorique et fantastique : béton de la cité-dortoir vs voyage dans les étoiles.
Il faut souligner la constante tension du récit, la scansion du temps qui est compté jusqu’au terrible compte à rebours de la fin, la mise en scène inventive, foisonnante d’idées, les mouvements fluides d’une caméra aérienne, les longs et somptueux travellings et un magnifique travail sur le son et la musique.
Sans oublier les personnages attachants, incarnés de façon éblouissante par Alseni Bathimy, Lyna Khoudri (vue dans Papicha, un peu engoncée au début mais qui se rattrape vite) et Jamil McCraven.
Tout sonne juste dans ce film qui ose, avec un aplomb convaincant, nous proposer une vision du monde où règnent l’utopie, l’onirisme, la poésie… disons la grâce, tout simplement. Et nous voilà embarqués, chamboulés, bouleversés.
Nic Diament
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