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Avec :
France de Meurs (Léa Seydoux), Benjamin Biolay (Fred de Meurs), Lou ( Blanche Gardin), Charles Castro (Emanuele Arioli), Baptiste (Jawad Zemmar).
Cannes 2021, Compétition officlelle
Réalisation : Bruno DumontSon 1er film en 1997, La vie de Jésus, est un triomphe à Cannes à la Quinzaine, suivi de deux grand prix, en 1999 avec L’humanité puis en 2006 avec Flandres. Ce sont ensuite deux films sur les dérives du religieux et du mysticisme: Hadewijch et Hors Satan. Après une remarquable évocation de Camille Claudel 1915 avec Juliette Binoche, Dumont propose une échappée burlesque avec une double mini-série Petit quinquin et Coin-coin et les Z’inhumains enchâssant le grinçant Ma Loute, avant une comédie musicale surprenante en 2 films Jeannette, l’enfance de Jeanne, et Jeanne.
Résumé :
Nouveau virage impressionnant dans la filmographie de l’auteur, France est à la fois le portrait d’une femme, journaliste iconique de la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système planétaire, celui des médias.
Analyse :
Chacun des 10 longs métrages de Bruno Dumont déploie un univers très personnel, à la fois fascinant et provocant mais toujours hanté par une authentique spiritualité, et imprégné ces dernières années par un humour burlesque et décapant, particulièrement roboratif. Ce dernier film en témoigne d’une façon étincelante en forçant délibérément le trait pour dépeindre l’entraînement fatal d’une carrière hybride et improbable d’icône de télévision, à la fois journaliste de terrain et présentatrice d’actualités aux heures de grande écoute. France de Meurs est une star médiatique au faîte de sa gloire. Elle arpente aussi les lieux de conflit armé accompagnée de son indispensable assistante et coach -Lou- qui la stimule, la réconforte et fignole son image en toutes occasions, et des inévitables cameramans et perchmans aux visages figés par la surprise ou l’admiration. Le ton parodique et caricatural du film est donné dès son ouverture par une conférence de presse trafiquée de Macron. Puis on voit très vite que le ratage de la vie privée de France, - entre son mari Fred, un écrivain médiocre, et leur fils Jojo, gravement perturbé par la mésentente de ses parents -, fait un terrible contrepoint avec sa brillante vie publique. Enfin sa vie bascule lorsque sa voiture renverse le scooter d’un jeune beur débile léger, amenant France à prendre en charge financièrement sa famille, éperdue d’adoration pour la vedette. France n’est certes pas un film réaliste. La mise en scène de Dumont déforme le réel pour mieux le saisir. Crue autant que cruelle, la satire permet par son outrance de mettre à nu aux yeux de France la vacuité de sa vie; et la performance généreuse et bouleversante de la très belle Léa Seydoux aurait dû lui valoir à Cannes un prix d’interprétation féminine. Car ce personnage, qui aurait si facilement pu être antipathique, acquiert au fur et à mesure de son histoire une humanité émouvante que reflètent notamment à plusieurs reprises les magnifiques plans méditatifs rapprochés, d’abord fixes puis suivis d’un imperceptible zoom avant jusqu’au gros plan. Les comédiens qui l’entourent sont remarquables: Benjamin Biolay, le mari, un loser impulsif; l’humoriste Blanche Gardin, la coach, désopilante; Emanuele Arioli, le journaliste piégeant/piégé, une autre victime du système. Il y a enfin la discrète et envoûtante musique du regretté Christophe, auteur déjà de celle de Jeanne, le film précédent de Dumont. Les toutes dernières images de France poursuivront longtemps le spectateur et lui rappelleront les mots d’Abel Gance:« Ce ne sont pas les images qui importent, mais l'âme des images ».
Jean-Michel Zucker
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