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Avec :
Youlia Vyssotskaia (Lioudmila), Andreï Goussev (Viktor), Sergueï Erlich (le grand père), Youlia Bourova (Svetka).
Prix spécial du jury, Venise, 2020
Réalisation : Andrei KontchalovskiKontchalovski, né en 1937 à Moscou, pianiste, descendant de peintres, frère de Nikita Mikhalkov, fut scénariste d’Andreï Tarkovsky avant de réaliser Le premier maître (1965). Son œuvre, considérable au cinéma, à l’opéra, au théâtre et à la télévision, compte Sibériade (Prix du jury à Cannes 1979), Marias’lovers (1983, tourné aux USA), Les nuits blanches du facteur (Lion d’argent, Venise 2014), Michel-Ange (2019). Chers camarades a eu le prix spécial du jury à Venise 2020.
Résumé :
Ce film est fondé sur le mouvement social, réprimé dans le sang, de Novotcherkassk (900 km au sud de Moscou), survenu en juin 1962. Après que Khrouchtchev eut décrété la baisse des salaires, malgré la hausse des prix, des ouvriers se mirent en grève et des milliers d’habitants de la ville sortirent pour dénoncer leur situation. Moscou envoya l’armée avec des chars. L’héroïne, Lioudmila, est membre du parti communiste.
Analyse :
Kontchalovski, qui s’était exilé aux Etats-Unis dans les années 1980 avant de rentrer en Russie à la chute de l’URSS, revient avec grand talent sur une page tragique de l’histoire de son pays. Le titre ironique, ‘Chers camarades’, évoque les discours officiels qui annonçaient les décisions les plus contraires aux intérêts du peuple, auquel était pourtant promis un ‘avenir radieux’. Dans un noir et blanc éclatant et en format carré, le réalisateur nous offre une belle reconstitution des années soixante, filmant à l’ancienne et, comme il l’a souvent fait, dirigeant des acteurs pour certains non professionnels. Les premières scènes introduisent une ‘vétérante’ de la guerre, Lioudmila, communiste et patriote sincère, que la disparition de sa fille et le comportement des autorités ébranleront dans sa foi. Dans cette Union soviétique où les syndicats libres sont interdits, l’enchaînement du drame est bien analysé, avec un pouvoir local qui perd le contrôle face à des revendications légitimes de la population, tandis qu’à Moscou le pouvoir central s’inquiète de la situation. La mairie prise d’assaut, le KGB finit par régler le problème en tirant sur la foule. Ce massacre dont on connaît mal le bilan (au minimum plus de 20 morts, des dizaines de blessés), et dont l’Occident eut connaissance malgré le rideau de fer, n’a été révélé à l’ensemble du pays qu’à la fin des années 1980. Les morts avaient été enterrés à l’insu des familles, sans mention de leur nom. Plusieurs grévistes furent condamnés à mort et des dizaines d’autres envoyés au goulag. Les témoins durent un à un s’engager par écrit à taire à jamais tout ce qu’ils savaient. C’est un film très prenant, très politique, avec une belle reconstitution de la vie en URSS (dénuement, autoritarisme du pouvoir, passe-droits, mais aussi entr’aide et solidarité, etc.). Et un bel hommage à ses concitoyens de Kontchalovski, 84 ans qui a précisé ses intentions : ‘les Soviétiques de l’après-guerre, ceux qui ont combattu pendant la Seconde guerre mondiale, méritent d’avoir un film qui rende hommage à leur pureté et à la dissonance tragique qui a suivi la prise de conscience de la différence entre les idéaux communistes et la réalité qui les entourait’.
Une leçon d’histoire et de politique pour tous.
Françoise Wilkowski-Dehove
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