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Réalisation : Cristi Puiu ; Scénario : Cristi Puiu, Razvan Radulescu ; Image : Oleg Mutu ; Décors et costumes: Cristina Barbu ; Montage : Dana Bunescu ; Son : Constantin Fleancu, Critian Tarnovetchi ; Musique originale : Andeea Barbu ; Compagnie de production: Mandragora movies. Distribution France: Bac films.
Avec :
Ion Fiscuteanu (Dante Lazarescu), Luminta Gheorgiu (Mioara Avram), Gabriel Spahiu (Leo), Doru Ana (Sandu Sterian), Dana Dogaru (Miki Sterian), Serban Pavlu (Gelu), Florin Zamfirescu (Dr Ardelean), Clara Voda (Dr Gina Filip).
Né en 1967 à Bucarest, Cristi Puiu décide à l’âge de 10 ans de devenir peintre et expose à Lausanne en 1990 cependant qu’il découvre le minimalisme de « Stranger than Paradise » de Jarmusch dans la collection de films de son oncle. Il s’oriente alors vers le cinéma. « Avant le petit déjeuner », court métrage d’après O’Neill, est sélectionné en 1995 pour le festival de Locarno et Puiu obtient son diplôme de cinéma à l’école supérieure d’Arts visuels de Genève avec un documentaire « 25.12 Bucarest la gare du nord ». Se déclarant plus proche de Cassavetes que de Lucian Pintilie, avec qui il a écrit le scénario de « Niki et Flo », il réalise son premier long métrage« Le matos et la thune » où s’affirme déjà son sentiment de l’absurde, et son goût pour l’humour noir et le road movie. Le Prix Un Certain Regard couronne à Cannes ce second film de fiction.
Résumé :
Monsieur Lazarescu, 63 ans, vit seul dans un appartement avec ses trois chats. Un samedi soir, ne se sentant pas bien il téléphone au Samu et tente d’apaiser ses maux de tête et d’estomac avec les médicaments qu’il a sous la main, puis appelle ses voisins de palier Sandu et Miki qui lui reprochent son intempérance. La situation s’aggrave et Mr Lazarescu vomit du sang. L’infirmière ambulancière finit par arriver et après examen décide de l’emmener à l’hôpital, suspectant une tumeur au côlon. Abandonné par sa famille, condamné pour son alcoolisme, victime de la condescendance de l’institution hospitalière, Mr Lazarescu va être rejeté toute la nuit d’un hôpital à l’autre dans l’indifférence générale, accompagné cependant jusqu’au bout de cette course d’obstacles par le visage humain de Mioara, son ambulancière.
Analyse :
Tirée d’un fait divers, et premier volet d’un projet de six films consacrés à la banlieue, cette histoire surréaliste est bien roumaine et renvoie aux univers de Cioran et d’Ionesco. « Last night » d’un homme usé, victime de l’alcool... et de la médecine hospitalière, ce film tisse avec humour et distanciation une fiction épique -les pérégrinations infernales,« dantesques », de la dernière nuit d’un homme exclu depuis longtemps de la compagnie de ses semblables- et un documentaire sur le fonctionnement des urgences hospitalières la nuit à Bucarest. Depuis son premier appel au Samu, le chemin de croix de Dante Remus Lazarescu comportera plusieurs stations douloureuses qui le confronteront successivement au jugement de son beau-frère, à celui de ses voisins - pourtant compatissants -, et à ceux de la caste médicale hospitalière surtout, internes en tête, qui l’infantilisent, l’étiquettent, et le condamnent pour son alcoolisme, retardant d’autant le diagnostic neurochirurgical exact, tandis qu’il s’enfonce dans l’aphasie et deviendra inopérable. Cette belle chronique douloureuse et désespérée de la mort d’un anonyme aux trois glorieux mais dérisoires prénoms, confronte chacun de nous à l’absurdité de la condition humaine. L’absence habituelle de vraie communication entre les humains, la vulnérabilité de l’homme vieux et malade, et la poignante solitude de la personne livrée à la morgue déshumanisante des techno-scientifiques sont ici criantes de vérité. L’infirmière ambulancière, bonne Samaritaine compétente et responsable, accompagnera cependant jusqu’au bout ce vieil homme malade en qui elle est bien la seule à avoir reconnu son prochain.
Jean-Michel Zucker
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