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A la rencontre de l’Autre, Denis Gheerbrant a réalisé en 40 ans une quinzaine de documentaires, sortis en salle et disponibles en DVD, qui s’inscrivent dans la continuité du cinéma direct ou cinéma-vérité. Il filme seul, dans des rencontres fortuites -Et la vie, Le voyage à la mer- ou des relations plus suivies - La vie est immense et pleine de dangers, Mallé en son exil. Ce nouveau film est coréalisé, comme Avant que le ciel n’apparaisse (2021), avec Lina Tsrimova, docteur en Histoire, originaire du Caucase.
Résumé :
Une colline au Kirghizistan parcourue par des hommes, des femmes, quelques enfants. Des fumées, des oiseaux, une déchetterie comme un Léviathan. Parmi eux, un ancien soldat traumatisé, une mère douloureuse et obstinée, des jeunes privés d’avenir, interrogent leur vie.
Analyse :
Les premières images montrent une décharge géante, la « colline », hérissée de déchets et fumante au crépuscule tandis que des nuées de corbeaux la survolent sinistrement. Ces images reviendront à différents moments du jour et de la nuit, avec des éclairages et des lumières à la fois splendides et inquiétantes, grands plans larges qui alternent au cours du film avec les entretiens de Lina avec les personnes retenues qu’il a fallu apprivoiser. Dans cet enfer du bout du monde, à quelques kilomètres de Bichkek, capitale du Kirghizistan, on croit voir roder pour leur survie les derniers des hommes, après le passage de l’Apocalypse. Il s’agit de quelques personnages rescapés du naufrage soviétique, marqués par la vie et exclus de la société, et qui ne doivent leur subsistance qu’au recueil et au tri, jour et nuit, des déchets de leurs semblables, recueil qui leur permet de rester en vie, payés chaque jour par les grosses entreprise mafieuses qui les emploient.
Alexandre, battu à 11 ans par son beau-père, inscrit par son grand père à l’armée après une bagarre qui s’est mal terminée, était devenu de son propre aveu, après sa participation à la guerre en Tchétchénie, un « monstre… une machine à tuer… un chien de guerre ». Il a cependant eu la chance de rencontrer Aliona, une femme pleine d’humour avec laquelle il vit depuis plusieurs années, dans la tendresse et le dénuement. Tadjikhan, une grand-mère usée par la vie, a perdu 5 enfants sur 8 et l’évocation de leur disparition lui est si douloureuse qu’il semble qu’on touche le fond de la détresse humaine. L’un de ses fils, impuissant à la soulager, sublime poétiquement son destin dans un journal qui témoigne aussi de la beauté du monde. Une adolescente, déjà éprouvée par la vie, confie à Lina ses doutes et ses espoirs… Le cinéma de Denis Gheerbrant, cinéma de la parole et de la rencontre, atteint ici une forme d’expression politique et poétique extrême, au contact du chaos et de l’apparente désintégration sociale que reflète la « Colline ». Au sein de ces conditions de survie extrême, ce qui accompagnera le spectateur pendant toute la durée de ce film épuré, sera l’affirmation lumineuse de la dignité humaine et le visage merveilleux de l’altérité.
Jean-Michel Zucker
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