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Avec :
Nanni Moretti (Giovanni), Margherita Buy (Paola), Silvio Orlando (Ennio), Barbora Bobulova (Vera), Mathieu Amalric (Pierre), Valentina Romani (Emma), Flavio Furno (Edoardo), Zsolt Anger (le directeur du cirque), Jerzy Stuhr (l'ambassadeur de Pologne), Teco Celio (le psychanaliste), Giuseppe Scoditti (le jeune réalisateur).
Septuagénaire à la réalisation de ce film, Nanni Moretti est l'auteur d'une quinzaine de longs métrages dans lesquels on le voit souvent du début à la fin. Longtemps compagnon de route du Parti communiste italien, à qui il ne ménagea ni ses critiques ni son attachement, il a compté dans la vie socio-politique de son pays, laquelle fut, avec lui-même, le sujet principal de sa filmographie.
Résumé :
Giovanni, réalisateur chevronné, entreprend un film sur la réaction des communistes italiens face à la répression russe de la révolte hongroise en 1956. Il imagine qu'un cirque hongrois 'fraternellement invité' se trouvait alors à Rome ; son épouse tente de lui faire prendre conscience d'autres réalités plus actuelles.
Analyse :
Ce film, renouant avec la fantaisie et la liberté de ton typiques du cinéma de Nanni Moretti, dégage en même temps une intense nostalgie, qui sera particulièrement sensible aux spectatrices et spectateurs qui ont suivi la carrière du réalisateur italien. On y retrouve en effet nombre des sujets favoris du cinéaste, on peut dire de ses obsessions et lubies, à commencer par son militantisme de gauche et sa passion du cinéma ; mais ici, compte tenu du recul que donne l'évocation des films de toute une vie, la confrontation entre les rêves et espoirs entêtés d'un cinéaste engagé, et l'évolution du monde que l'on a constatée, est cruelle. Par exemple, bien que le projet du film soit antérieur à l'agression russe contre l'Ukraine, le parallèle avec l'invasion de la Hongrie en 1956 est glaçant.
Les clins d'œil à l'actualité récente se multiplient : à l'insistance de Giovanni sur l'indispensable cohérence entre éthique et esthétique, « car l'image crée le monde », répond l'infinie médiocrité des robots de Netflix. Plus gratuitement mélancolique, le florilège de 'belles chansons italiennes' dont il voudrait ponctuer le film d'amoureux qu'il imagine résonne comme autant de couronnes mortuaires, à commencer par 'Sono solo parole', contrepoint ironique à son obsession « si tu changes un mot, tout change.» Ou encore, ses courageuses prestations balle au pied ou en piscine, évocation de films d'autrefois, ne peuvent plus être que l'ombre des gestes sportifs dont il avait fait, à l'écran, une dimension essentielle de son plaisir d'être et de vivre.
Toute une déconstruction, en fin de comptes, de ses relations : avec son épouse, avec sa fille, avec l'ami producteur français, avec son vieux copain acteur et Vera qui ne croit plus en lui ; déconstruction de son personnage de créateur-démiurge, qui doit rendre les armes à la négation de ce en quoi il croit, homme, citoyen ou artiste... Mais ce sera à nouveau dans le cinéma, dans sa dévotion à Fellini en particulier, qu'il trouvera le ressort pour finalement nous embarquer malgré tout : dans une sarabande inattendue, une grande parade 'à la 8 1/2' de tous les personnages de son film, et de bien d'autres. Défilé nostalgique certes lui aussi, mais dont le dynamisme nous remet en mouvement, malgré notre regard en arrière, vers 'un avenir radieux'.
Jacques Vercueil
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