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Avec :
Abou SangarĂ© (Souleymane), Nina Meurisse (agente de l’Ofpra), Alpha Oumar Sow (Barry), Emmanuel YovaniĂ© (Emmanuel), Younoussa Diallo (Khalil), Ghislain Mahan (Ghislain), Mamadou Barry (Mamadou), Yaya Diallo (Yaya), Keita Diallo (Kadiatou).
Normalien et agrĂ©gĂ© de philosophie, il a sĂ©journĂ© au Vietnam oĂą il retourne pour deux documentaires -Ceux qui restent (2001) et Les Ă‚mes errantes (2005)- sur le deuil impossible de ceux dont la vie a Ă©tĂ© traversĂ©e par la guerre. Hope (2014), sa première fiction multiprimĂ©e, nous plonge dans l’Afrique des migrants. Camille (2019), rĂ©flexion sur le regard d’une photographe de guerre, reçoit le prix du public Ă Locarno.
Résumé :
Tandis qu’il pĂ©dale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane rĂ©pète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sĂ©same pour obtenir des papiers. Mais le jeune GuinĂ©en n’est pas prĂŞt.
Analyse :
Dans cette Ă©mouvante fiction, prĂ©sentĂ©e Ă Cannes dans la sĂ©lection Un certain regard et construite comme un documentaire, le propos du cinĂ©aste est de nous rendre visible les diffĂ©rentes facettes de la vie misĂ©rable de migrants sans papiers, exploitĂ©s dans notre Ă©conomie ubĂ©risĂ©e. Le film est portĂ© par le charisme d’Abou SangarĂ©, acteur non professionnel dont le parcours personnel irrigue l’histoire de Souleymane et qui rĂ©alise dans ce rĂ´le une extraordinaire performance. La trame du scĂ©nario est très simple: elle raconte la course haletante contre la montre d'un livreur sans-papiers, pendant les 2 jours qui prĂ©cèdent un entretien avec une agente de l’OFPRA (Office Français de Protection des RĂ©fugiĂ©s et Apatrides), entretien dĂ©cisif pour l’obtention de ces papiers. Chaque soir c’est le mĂŞme rituel: Souleymane zigzague Ă vĂ©lo aussi vite qu’il peut, dans la cacophonie urbaine de Paris, constamment mis sous pression par les horaires et les notations de son service de livraison. Il livre des repas en empruntant l’identitĂ© d’un escroc qui lui sous-loue son compte pour 120 euros par semaine ce qui l’oblige Ă s’endetter. Pendant qu’il pĂ©dale, il se rĂ©pète un rĂ©cit de vie remâchĂ© et inventĂ© de toutes pièces par un coach en demande d’asile qu’il doit payer grassement, rĂ©cit qui ferait de lui un opposant politique en GuinĂ©e et qui a dĂ©jĂ servi plusieurs fois ! Enfin, après avoir subi les humiliations des clients, et avoir vu et entendu sa petite amie restĂ©e en GuinĂ©e lui annoncer par tĂ©lĂ©phone qu'elle pourrait se marier avec un autre, il s'octroie quelques heures de sommeil dans un centre d’hĂ©bergement, en courant pour ne pas rater le bus qui l’y conduira avant la fermeture ! La seule issue possible pour sortir de ce cauchemar est donc pour lui de rĂ©ussir son entretien avec l’Ofpra et d’obtenir ainsi un permis de sĂ©jour. C’est lĂ le vĂ©ritable enjeu dramatique de cette histoire qu’illustre la bouleversante dernière partie du film oĂą le spectateur, rivĂ© au visage, aux paroles et aux silences de Souleymane assiste Ă la souveraine rĂ©appropriation par le hĂ©ros de son histoire et de sa dignitĂ©. Avec ce film Boris Lojkine poursuit sa quĂŞte de l’Autre et nous rappelle, dans le contexte de la rĂ©cente loi immigration et de d’extrĂŞme-droitisation de la sociĂ©tĂ© française, que pour accueillir cet Autre, notre prochain, il faut changer le regard que nous portons sur lui.
Jean-Michel Zucker
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