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Avec :
Delphine Seyrig (Aloïse adulte), Isabelle Huppert Aloïse jeune, Marc Eyraud (Le père d’Aloïse), Jacques Weber (L’ingénieur), Hans Werner (Le chapelain), Michael Lonsdale (Le directeur de l’asile), Julien Guiomar (Le directeur du théâtre), Roger Blin (Le professeur de chant), Roland Dubillard (Le professeur), François Châtelet (Le pasteur).
Film de 1975 remastérisé en 2024
Réalisation : Liliane de Kermadec1928-2020. D’abord comédienne auprès de Régy, Vitold, Cellier, et photographe de plateau (Cléo de 5 à 7, Muriel), Elle est inspirée par des femmes exceptionnelles. A partir de 1963 elle enchaîne, pour le cinéma et la télévision, des œuvres de fiction et des documentaires qui tournent le plus souvent autour de la politique et du genre.
Résumé :
C’est l’histoire vraie d’une jeune femme suisse, Aloïse Corbaz, d’origine modeste et pleine d’ambition artistique. Alors qu’elle est gouvernante en Allemagne, la première guerre mondiale l’oblige à regagner sa patrie. Mais, fragile et perturbée, elle est internée jusqu’à la fin de sa vie. Isolée du monde, elle le réinvente par la peinture.
Analyse :
Plutôt qu’un biopic sur une virtuose de l’art brut, c’est l’histoire d’une femme énergique mais fragile qui n’a pas réussi à vivre. Ainsi le récit est-il fait de multiples scènes accompagnant Aloïse de la petite enfance au tombeau. Sa jeunesse à Lausanne, sans mère, est placée sous le signe du refus. Douée d’une forte personnalité, elle vit une révolte permanente, refusant le destin qu’elle redoute de se voir imposé par sa famille, l’école et l’Église. Dans le 1er tiers du film, la jeune Aloïse rêve de devenir cantatrice, mais sa voix ne cesse d’être couverte par celles de son père, d’un prêtre, et de son soupirant. Expédiée alors comme gouvernante en Allemagne, elle doit renoncer à ce rêve, et une 2ème Aloïse apparaît, tout aussi rigide, mais qui semble petit à petit s’absenter d’elle-même et de son environnement, avec parfois de grands moments d’exaltation. La guerre l’arrachera à sa famille d’adoption et la précipitera dans la psychose et un internement de près de 40 ans. Cette 2ème partie du film, la plus longue, est marquée par le retour incontrôlé du corps -brusques éclats de gestes et de voix auxquels succède un soudain mutisme. Dès lors Aloise va continuellement dériver de plus en plus loin des autres, dans l’espace clos et le temps arrêté de l’asile, et passer le plus clair de son temps à dessiner et à peindre dans le registre de l’art brut. L’acte de création lui-même n’est cependant peu ou pas filmé. Cette création libératrice se voit rapidement entravée par des dispositifs de contrôle physiques, les injonctions des soignants et le dogmatisme du professeur d’arts plastiques, que combat cependant l’humanisme du directeur de l’établissement, un précurseur de l’anti-psychiatrie. A sa sortie de l’asile, au seuil de la mort, Aloïse n’est plus qu’une femme passée à côté de sa vie. Peinture déprimante d’une vie pitoyable, ce film vaut surtout par la splendide performance de deux très grandes comédiennes qui se succèdent dans le rôle-titre: Isabelle Huppert, 23 ans, au début de sa carrière, cultivant déjà une morgue hautaine; Delphine Seyrig, 43 ans, nouvelle « Divine », féministe éclatante au faîte de la sienne avec 7 films la même année !
Jean-Michel Zucker
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