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Un film sort sur les écrans en ce tout début septembre qui me semble relancer et revivifier la très classique question du rapport du cinéma avec la réalité. Il s’agit de Nocturama de Bertrand Bonello. Un groupe de jeunes gens (entre 14 ans et une vingtaine d’années) décide de frapper Paris par un terrorisme visant surtout les symboles de l’autorité de l’Etat (bâtiments ministériels, statues, représentants des pouvoirs en place). Lors d’une séance publique en avant-première, le réalisateur, interrogé sur la genèse du film, expliquant son intuition de départ du scénario (en 2010). « A chaque fois que je me promenais dans Paris, je ressentais l’étouffement insupportable, la dépression profonde qui ont gagné notre société ». D’où le fort désir de réaliser un film qui « montrerait l’état de dégoût et de perdition de la jeunesse, en ne passant que par les gestes (…), un film d’action strictement documenté, mais dépourvu de schéma explicatif ».
Nous étions donc en 2010, à une époque où la France n’était pas (n’était plus, souvenons-nous des années 90) la cible du terrorisme islamiste. L’idée de Bonello a séduit des producteurs, Arte France, Arte Deutschland, la région Ile de France etc. Mais la nécessité de terminer les tournages de L’Apollonide (2011) et de Saint-Laurent (2014) a retardé la mise en route de ce projet si personnel. Et voilà que les repérages commencent fin 2014, la production est organisée pour le premier semestre 2015. Hélas ! le terrorisme aveugle frappe cruellement Paris en janvier (Charlie Heblo, L’Hyper Casher)/ La ‘réalité’ s’invite dans le processus, jusqu’à la fin de l’année (Le Bataclan). Sans doute, en raison du contexte, le CNC refuse d’accorder l’Avance sur Recettes. Après un moment de doute, les producteurs s’accrochent, persistent et signent ! Plus tard, début 2016, le distributeur Wild Bunch le propose à la commission de sélection du Festival de Cannes, qui le néglige. Je me pose des questions à propos de ces frilosités du CNC et de Cannes. Est-ce la peur que le fim fasse l’apologie du terrorisme, justifiant les actes commis par les islamistes ? ou plutôt, est-ce le refus de montrer l’insoutenable réalité qui secoue notre pays ? Bon, il n’a pas été plus que ça gêné dans son lancement en ce début de rentrée. La critique est quasiment unanime pour saluer la qualité de l’œuvre.
On verra bien comment réagira le public. Quand Bertrand Bonello déclare: « Un film n'est pas la réplique de l'actualité. Il arrivera toujours trop tard » c'est juste, mais dans ce cas unique de figure c'est l'actualité des attentats qui est venu perturber la réalisation de la fiction! Le fait de voir ce film maintenant, alors que nous avons encore le souvenir des images de télé et de vidéos, augmente l'émotion du spectateur, la dilate. Je suis d'accord sur l'idée que « Nocturama provoquera chez le spectateur une émotion qui l'amènera à réfléchir sur ce qui se passe dans notre société » (déclaration du producteur).La création esthétique vient en aide à la prise de distance, nécessaire en ces temps troublés.
Alain Le Goanvic
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