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Notes :

1 Olivier Guez : L'impossible retour: Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945. 
2 Organisme chargé à restructurer et privatiser l’économie de l’ex-RDA.
3 Das Fliegende Klassenzimmer (de Kurt Hoffmann, 1953) est un film très connu en Allemagne, d’après le roman pour enfant éponyme d’Erich Kästner.

 

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Interview avec Lars Kraume

Lars Kraume est un des six réalisateurs allemands qui ont participé cette année à la campagne Face to Face with German Films.

par Waltraud Verlaguet

Au début, j’avais mal enclenché ma caméra. J’avais posé la question d’où venait la nécessité intérieure de réaliser coup sur coup deux films dont l’histoire se situe au début des années 1953, une en Allemagne de l’Ouest, l’autre en Allemagne de l’Est.

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Lars Kraume : ça tourne ? 
Vu de Pro-Fil : Maintenant ça tourne. 
LK : Je recommence ? 
VdP : Non, je rajouterai la question dans la transcription. 
LK : Donc mon co-auteur avait écrit un livre sur l’évolution des communautés juives en Allemagne après 19451. Il y parlait de Bauer et mes recherches sur ce personnage m’ont amené vers les années 1950, l’époque où mes parents étaient jeunes. Quand mes parents me racontent comment ils se sont connus, c’est cette époque où Fritz Bauer était un personnage important de l’Histoire allemande – donc c’est bien moins loin que ce qu’on pourrait ressentir. Et pendant que je travaillais sur cette période, pour des raisons diverses et parce que cela m’intéressait, je suis tombé sur le livre de Dietrich Garstka, Das schweigende Klassenzimmer. Cela se passait à la même époque et, ce qui est intéressant, il tourne autour des questions similaires, à savoir, comment, durant ces années tranquilles après 1950 on a occulté le passé, avant qu’une nouvelle génération ait rompu ce silence par ses questions ; et comment les deux Allemagnes ont évolué, comment ils ont géré cet héritage. C’est surtout cette question de la gestion de l’héritage qui m’a conduit à m’intéresser à ces questions. Mon co-auteur, Olivier, est Français et vient d’une famille juive, et lui aussi m’a demandé : « Pourquoi tu veux faire ça ? » Je lui répondu : « Moi je viens d’une famille allemande catholique et j’ai grandi avec ce sentiment diffus de culpabilité, et j’ai donc un intérêt à travaillant sur cette évolution de l’Allemagne après la guerre. » C’est comme ça que ces deux films sont nés. En plus je m’intéresse à l’Histoire en général. Le deuxième point de transformation en Allemagne est la chute du mur et la Treuhand2, qui constitue un nouveau traumatisme dont il faut également parler. Un de mes projets concerne une série sur le Bauhaus, donc à nouveau une histoire de transformation après la Première guerre mondiale, le début de la modernité qui fait également partie de l’Histoire allemande. 
VdP : Est-ce que la culpabilité diffuse constituait-elle encore un problème quand vous étiez à l’école ? 
LK : C’est toujours là, en Allemagne. 
VdP : Encore aujourd’hui ? 
LK : Oui, toujours, et heureusement. Il ne faut pas essayer de clore ce sujet, mais de garder en mémoire cet héritage triste parce que cela peut nous protéger du danger de répéter des fautes d’autrefois. Des mots d’ordre comme nationalisme sont connotés différemment en Allemagne que dans d’autres pays. Nous avons fait nos expériences avec le nationalisme extrême et il ne faut pas croire qu’on peut clore ce problème. Tout à l’heure on m’a demandé s’il faut continuer à faire des films sur le holocauste. Cette question m’énerve, je ne vous pas à quel point. Oui, il faut. Point. 
VdP : Quelle est la différence dans l’approche entre Fritz Bauer et Das fliegende Klassenzimmer ? Le premier joue à l’Ouest, où vous êtes né, l’autre à l’Est – comment vous vous êtes familiarisé avec la situation à l’Est ? 
LK : C’est Das Schweigende Klassenzimmer bien sûr, mais tout le monde succombe à la confusion3. J’ai grandi à l’Ouest mais je n’étais pas un adulte conscient en 1956 – je suis né en 1973. Donc là aussi ce sont des situations dans lesquelles il faut que j’entre à travers des recherches. C’est plus facile pour l’Ouest, parce que j’ai connu dans mon enfance le capitalisme de l’Allemagne de l’Ouest et j’en connais les codes, mais pour l’Est je pouvais me reposer sur le livre et la collaboration de Dietrich Garstka qui a vécu cette histoire et qui a co-écrit le scénario. 
VdP : Vous avez fait jouer tous les rôles d’adultes par des acteurs originaires de l’Est – à part Burghart Klaußner – est-ce que c’est important ? Est-ce qu’il y a encore une différence aujourd’hui entre les gens de l’Est et de l’Ouest ? 
LK : Il y a encore une différence, parce des gens comme Florian Lukas, Jördis Triebel, Ronald Zehrfeld, même si la RDA a disparu quand ils étaient ados, ont encore des souvenirs de leur enfance comme j’en ai des années 1950 par exemple par mon grand-père qui avait été aux chemins de fer, il avait été soldat de la Wehrmacht, c’était un simple ouvrier, et à travers lui et son habitus, la façon dont il fumait son cigare, j’avais un certain écho de ces années. Et la même chose vaut pour ces acteurs qui ont été socialisés à l’Est et en ont des expériences et des souvenirs qui enrichissent le film. Quant à Burkhart qui joue le ministre dans deux scènes, c’est un homme avec une formation très complète et beaucoup d’expérience. Il a des contacts avec beaucoup de gens et il a vécu cette époque, il a su se mettre dans le rôle, même s’il n’est pas né à l’Est. 
VdP : Je disais ça parce qu’Andreas Dresen a vitupéré contre les gens de l’Ouest qui font des films sur l’Est. 
LK : Oui, c’est un thème intéressant, ce reflexe existe toujours. C’est lié aussi au fait que beaucoup de gens de l’Est ont l’impression justifiée que la réunification ne s’est pas passée de façon tout à fait équitable, et que si en plus des réalisateurs de l’Ouest leur viennent prendre leurs histoires, comme l’économie de l’Allemagne de l’Ouest a mis la main sur l’économie de la RDA, ils le ressentent comme une forme de colonialisme qui se passe aussi dans la culture, ça énerve évidemment des gens comme Andreas Dresen. Mais de l’autre côté, dans mon cas, je ne suis que l’artisan qui porte à l’écran l’histoire de Dietrich, et c’est lui qui la raconte et qu’il a vécu, une histoire d’émigration, de fuite, je ne fais que traduire. 
VdP : Peut-être encore une question : vous avez réalisé beaucoup d’épisodes pour des séries policières. Pourquoi ça vous plaît ? 
LK : C’est la même question que celle, pourquoi je fais des films sur l’histoire allemande. Bien, j’aime regarder des policiers… 
VdP : Moi aussi, c’est pourquoi je demande. 
LK : J’aime les regarder, c’est existentiel et dramatique, donc j’aime en écrire. Mais je dois dire, j’ai fais beaucoup de policiers qui jouent à Francfort et qui repose sur des faits réels, et j’ai fait des recherches, c’est encore plus sombre que ce qu’on pense. Quand on est sur un scénario et on s’imagine que cette femme a été vraiment découpée en huit morceaux qui ont été repartis dans toute la ville, quand on se l’imagine vraiment, et non en tant que fiction, c’est difficile à supporter. 
VdP : Il faut arrêter ? 
LK : Si vous avez encore une question, allez-y. 
VdP : Oui, j’aimerais savoir dans quelle mesure c’est important que ça repose sur des faits réels, aussi bien Fritz Bauer que Das schweigende Klassenzimmer ? 
LK : Les drames – et les deux films sont des drames – racontent des histoires de gens qui sont meilleurs que dans la vie réelle. Ils font quelque chose d’héroïque qui nous inspire. Si ces histoires de héros repose sur des faits réels ça démultiplie l’effet. Si on sait que ce Fritz Bauer a réellement existé ça m’impressionne bien davantage que Spiderman. 
VdP : Merci beaucoup.

(Voir aussi la conférence de presse du film)

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