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L'autre côté de l'espoir (Toivon Tuolla Puolen) de Aki Kaurismäki (Finlande, Allemagne 2017, 1h38) avec Sherwan Haji (Khaled), Sakari Kuosmanen (Wikström), Ilkka Koivula (Calamnius), Janne Hyytiäinen (Nyrhinen)
Aki Kaurismäki, né en 1957, est un réalisateur de cinéma finlandais. Films notables :
Crime et Châtiment (1983)
Calamari Union (1985)
La Fille aux allumettes (1990)
J'ai engagé un tueur (1991)
L'Homme sans passé (2002)
Le Havre (2011)
L’autre côté de l’espoir obtient l’ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2017.
Helsinki. Wikhström représentant en chemises décide, la cinquantaine arrivant, de changer de vie. Il joue au poker ses dernières économies, gagne et achète un restaurant. Il croise la route de Khaled réfugié syrien, échoué là par accident, qui demande l’asile politique et qui ne l’obtenant pas devient un clandestin. C’est l’histoire de l’entraide entre ces deux hommes.
Sur un sujet grave qui pourrait être désespérant, Kaurismäki prend son temps, nous impose son rythme tranquille et presque apaisant. Un thème qu’il avait déjà évoqué dans Le Havre où un jeune immigrant est aidé par un écrivain, devenu cireur de chaussures. C’est donc un film éminemment politique qu’il réalise avec sa manière très personnelle et si particulière qui fait son succès : un discours et des situations décalées, un humour pince-sans-rire irrésistible, un art consommé de reconstituer des décors vieillots, avec des couleurs surannées et un art de la lumière qui illumine les scènes les plus sombres. On se souviendra longtemps de ce tas de charbon luisant dans la nuit d’où émerge Khaled, qui prononcera la première phrase du film « Les douches ? ». C’est un grand film dans la lignée de ses plus grands : La Fille aux allumettes, Au loin s’en vont les nuages, ou Le Havre.
Dans L’autre côté de l’espoir, à travers deux destins qui se croisent, le réalisateur s’empare de l’actualité la plus dramatique de notre début de siècle sans frénésie, sans pathos ni sentimentalisme inutile, sans aucune mièvrerie mais avec le sens de l’humour, de l’absurde et une sensibilité, une tendresse, une bienveillance qui le caractérisent et qui donnent à son cinéma une si grande efficacité. Khaled n’obtient pas l’asile politique par cette administration aseptisée, froide, sans compassion, inhumaine, parce que les évènements qui l’ont fait fuir son pays ne présentent pas un caractère suffisamment dramatique et dangereux pour lui. Kaurismäki nous montre en contrepoint les images d’une télévision qui montre et commente un Alep dévasté, en ruine. Le réalisateur nous force alors à nous poser les bonnes questions face à ce drame humanitaire. « L’autre côté de l’espoir est, je l’avoue volontiers, un film qui tend dans une certaine mesure et sans scrupules à influer sur l’opinion du spectateur et essaie de manipuler ses sentiments pour y parvenir » nous dit-il. Il le fait, sans ostentation ni force mais avec une certaine légèreté, avec poésie et beaucoup d’humanité. Ses personnages, notamment ceux du restaurant, ne sont pas sans rappeler ceux du Havre. Personnages empesés, décalés, à la théâtralité surannée mais humains, tellement humains.
On rit également dans ce film, notamment aux scènes de transformations successives du restaurant, qui affiche au menu des boulettes de viande et des sardines en boite, puis devient japonais avec un décorum invraisemblable et des sushis aux harengs, puis indien, etc… Ou lorsque une commerçante, incarnée par Kati Outinen, son actrice fétiche, annonce qu’elle va prendre sa retraite au Mexique pour y danser le hula, comme à Hawaii … « Le rire est un bon moyen de faire passer ce que j’ai envie de dire » assène-t-il. On le croit volontiers.
Une autre respiration de ce film : l’apparition, comme dans ses premiers films, de bandes de musiciens qui chantent au coin des rues, ces rockers au visage raviné et à la voix cassée qui ne manquent pas de rythme. Très belle scène poignante où Khaled s’empare d’un oud et joue pour ses compagnons une complainte nostalgique de son pays d’origine.
Qu’y a-t-il au fait de l’autre côté de l’espoir ? « Rien » a-t-il dit dans une interview avec sa voix rocailleuse, par boutade. Non pas rien, mais la solidarité, l’humanité, et certainement pas le désespoir !
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