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Un aperçu du 65ème festival de Leipzig

Du 17 au 23 octobre 2022, le Festival international du film documentaire et d’animation DOK Leipzig a présenté 255 films de 55 pays, répartis dans de nombreuses sélections : Compétition internationale des longs métrages, Compétition internationale des courts métrages, Camera Lucida, Compétition allemande, la sélection « Audience award », Panorama, et une retrospective sur le documentaire en RDA.

Un Jury oecuménique était présent depuis 1990 au Festival de Leipzig. Il a été transformé en 2016 en un Jury inter-religieux. Cette année, 13 films étaient en compétition pour le prix.

Le Jury Inter-religieux a attribué son prix au film franco-belge Une vie comme une autre de Faustine Cros. Ce film a aussi reçu le prix de la Colombe d’argent. La Colombe d’or du meilleur documentaire a récompensé Anhell69 de Théo Montoya. La Colombe d’or des films documentaires courts a récompensé Will You Look At Me de Shuli Huang. Le prix du Leipziger Ring est allé à König hört auf de Tilman König. Le jury FIPRESCI a attribué son prix à Une mère de Mickaël Bandela. Enfin le Prix du public a récompensé Drei Frauen (Trois femmes) de Maksym Melnik

Le palmarès reflète les tendances observées dans les films sélectionnés cette année. Beaucoup étaient des films documentaires autobiographiques sur l’histoire d’une famille ou les relations entre parents et enfants. Une vie comme une autre, Une mère, Will You Look At Me et König hört auf entrent dans cette catégorie. En utilisant de vieux films et photos de famille mais aussi des interviews récentes, ces films offrent au spectateur une image subtile et émouvante de vies de famille.

J’ai classé les films que j’ai vus, c’est à dire les 13 films de la Compétition internationale, le film d’ouverture et quelques courts-métrages, en trois catégories : à voir - on peut voir - à éviter. Bien entendu, je ne sais pas du tout si ces films sortiront en France ni quand. Enfin certains sont des courts métrages qui ont encore moins de chance d’être programmés en salles.

 

Les films à voir :

Interdit aux chiens et aux Italiens de Alain Ughetto (France, Italie, Suisse - 70 mn)

Film d’animation qui a reçu le Prix du Jury au festival d’Annecy 2022.

Un joli film sur l’immigration italienne en France à la fin du 19ème et au début du 20ème. Emouvant mais aussi plein d’humour et de poésie ( la cueillette de l’edelweiss, le tracé des coeurs sur le lac, par un ricochet, ou sur la table enfarinée, les passages de la caravane du Tour de France …). Les personnages ont une vingtaine de centimètres, les maisons sont en carton, il y a beaucoup d’accessoires amusants. Les tragédies, nombreuses, ne sont pas masquées : famine, maladies, accidents du travail sur des chantiers peu protégées (la main d’oeuvre est nombreuse et pas chère), guerre (guerre italienne en Libye, 1ère et 2ème Guerres mondiales). Les voix d’Alain Ughetto dans son propre rôle et d’Ariane Ascaride pour la grand-mère apportent beaucoup de chaleur au film. Un film d’animation entre l’autobiographie et le documentaire, intéressant.

 

Swallow Tails de Yana Osman et Anton Klamchishkin (Russie - 17 mn)

Un joli film sur la situation actuelle en Russie. Le ministère de la culture lance un concours de films sur l’architecture de Moscou. La réalisatrice, dans ce cadre, filme les merlons (« swallow tails ») des murs du Kremlin, ce qui lui vaut immédiatement des ennuis avec la police. Un film plein d’humour où rien n’est dit mais tout est suggéré et qui filme en « off » l’absence de liberté.

 

Will You Look At Me de Shuli Huang (Chine - 20mn)

Un court film autobiographique sur la difficulté pour une mère chinoise d’accepter l’homosexualité de son fils de 25 ans. Son refus est essentiellement d’ordre social : comment ne pas être comme les autres ? Que répondre aux voisins ou aux amis qui vous demandent quand vous allez avoir des petits-enfants ? Le procédé cinématographique mélange des images de rues, de villes, de lieux divers et des photos / films familiaux, le récit étant porté par les voix off du fils et de la mère.

Le film a reçu le Prix de la Colombe d’or pour les courts métrages.

 

Une vie comme une autre de Faustine Cros (Belgique, France - 68 mn)

Un beau film sur la famille et plus spécifiquement sur une femme qui avait une activité professionnelle bien remplie et qui, après l’avoir abandonnée quelques années pour s’occuper de ses enfants, ne la retrouve pas et se trouve « condamnée » à la vie de femme au foyer. Dépression sans révolte. Le père aimant mais ne comprenant pas bien le malaise de sa femme.

Leur fille revisite leur vie au travers de films de famille (le père, cinéaste, tournait beaucoup) et de discussions avec le père et la mère.

Un film bien fait, subtil et émouvant qui a reçu le prix du Jury inter-religieux et le Prix de la Colombe d’argent, le deuxième prix attribué par le Jury international.

 

Une mère de Mickaël Bandela (France - 86 mn)

Autre récit autobiographique d’un fils qui a deux mères :

Les deux mamans ne se ressemblent pas, Marie-Thérèse, la maman d’accueil, plus âgée et plus maternelle, Gisèle, plus jeune et plus bohème, mais elles se rejoignent dans une certaine philosophie de la vie et leur volonté, par des voies différentes, de faire le bonheur de leur enfant. Des mères aimantes à leurs manières, ce qui n’empêche pas le fils d’être déboussolé et d’avoir des problèmes à l’adolescence.

Comme dans tous les films autobiographiques, le récit repose sur de vieilles photos, des films d’amateurs et des séquences avec voix off, ainsi que sur des discussions du fils avec ses deux mères. Un film bien fait et émouvant qui a reçu le Prix FIPRESCI.

 

Anhell69 de Théo Montoya (Colombie - 75 mn)

Un film inclassable tenant de la fiction, du documentaire et de l’essai cinématographique. Une grande inventivité formelle pour un récit dramatique sur des jeunes de Medellin, homosexuels, trans, drogués. Une fiction à l’intérieur du film convoque des fantômes dont les yeux rouges évoquent ceux d’Uncle Boonmee, le film d’Apitchapong Verasethakul. Un film noir où la mort rôde partout mais dont il se dégage malgré tout une certaine fraternité désespérée et un bonheur de vivre dans l’instant. Le film a reçu le Prix de la Colombe d’or, la plus haute récompense à Leipzig.

 

Matter Out of Place de Nikolaus Geyrhalter (Autriche - 105 mn)

Film documentaire très classique sur la gestion, ou la non-gestion, des déchets sur la planète. Une dizaine de scènes réparties sur l’ensemble du monde de l’Autriche au Népal, de la Suisse aux Maldives. Images très belles, aucune explication ni son ajouté, les images et le son naturel parlent d’eux-mêmes.

Quelques scènes très fortes au début : la pelleteuse qui déterre des monceaux de déchets sous un mètre de bonne terre dans un champ autrichien, la noria des camions dans la boue et la gigantesque décharge à ciel ouvert, dans la montagne, au Népal, le camion benne suspendu au téléphérique en Suisse, l’évacuation par bateau des déchets d’un hôtel de luxe aux Maldives, les gigantesques roues dentées qui broient tout dans une usine d’incinération en Autriche.

Un peu long mais un beau film.

 

When Will the Winter of 2022 End ? de Hanna Trofimova (Ukraine - 23 mn)

Journal vidéo tenu par une jeune Ukrainienne pendant les premiers 90 jours de la guerre. Contraste entre la vie de tous les jours, l’attente et les combats qui sont très proches et que l’on entend par moments. Un film émouvant.

 

Les films qu’on peut voir :

 

Ciné - guérillas : scenes from the Lebudovic Reels de Milo Turajic (Serbie - 94 mn)

Le sujet est intéressant : la propagande et la contre-propagande en temps de luttes et de guerre, mais le film n’est qu’à moitié convaincant. D’une part les nombreuses scènes avec le réalisateur Lebudovic âgé n’ont pas beaucoup d’intérêt pour le spectateur, d’autre part, la confrontation des images produites par la France et par la rebellion algérienne aurait mérité une analyse plus fine. Mais le film est aussi une démonstration des multiples façons de biaiser la perception du spectateur: ainsi, consciemment ou non, la réalisatrice utilise les outils de la propagande à l’intérieur de son propre film : les images de source françaises sont montrées telles qu’elles étaient projetées à l’époque avec un commentaire et une musique emphatique (typiques de l’époque) qui les rendent détestables pour le spectateur ; au contraire les images de Lebudovic sont montrées brutes, soulignées par une légère musique ou des chansons plus récentes qui emportent l’empathie du spectateur. Lorsque, à deux moments seulement, elle montre ces images telles qu’elles étaient projetées à l’époque sur les TV cubaines ou est-allemande, on trouve la même emphase désagréable. Donc un film moyen mais intéressant à analyser sur la manipulation du spectateur.

 

The Dependants (Sophia Brokenshire) (Canada - 90 mn)

Le film est intéressant par l’usage de multiples formes d’images et de sons : photos, extraits de films anciens, voix off. Mais il est confus et pas très clair sur son sujet :

 

Favourite Daughter de Anna Relly (USA - 20 mn)

Pendant la Covid, trois femmes, la fille, la mère divorcée et la grand-mère veuve, bloquées dans un bel appartement new-yorkais. Discussions brillantes et pleines d’humour. On passe un moment agréable, sans plus.

 

Perhaps What I Fear Does Not Exist de Corine Shawi (Liban - 73 mn)

Film libanais sur une famille affectée par la maladie du père, paralysée des deux jambes après une erreur médicale, et en rééducation dans une luxueuse clinique.

Sentiment mitigé sur ce film : la situation tragique du pays est en arrière plan mais de manière trop diffuse pour vraiment peser ; la famille, riche, ne semble pas vraiment affectée par les événements, du coup il reste une chronique familiale où l’on s’ennuie un peu.

 

A Hawk as Big as a Horse de Sasha Kulak (France - 74 mn)

Film inclassable à la grande beauté formelle, référence à David Lynch (Twin Peaks) dans les décors, les personnages, les situations, la beauté intrigante des images et … dans le côté incompréhensible de l’histoire. La réalisatrice parle d’un « documentaire conte de fées ». Si l’on accepte le genre, le film est assez réussi et poétique, mais on est à la limite de la fiction car le personnage principal, Lydia, une ornithologiste transgenre joue perpétuellement des rôles et met en scène des histoires à l’intérieur du film.

 

Divine Factory de Joseph Mangat (Philippines, USA - 120 mn)

Un documentaire très classique, un peu long, sur une petite usine de statues religieuses (mais aussi de nains et de Père Noël) aux Philippines. Le grand succès de la maison est le « Saint Joseph dormant » rendu célèbre par une confidence du Pape qui, en visite dans le pays, a dit qu’il avait une petite statue de ce genre sur son bureau. Le succès commercial de l’objet a fait la fortune des patrons et grandement amélioré le sort des ouvriers. Conditions de travail insalubres (résine, peinture dans des ateliers très mal aérés) mais grande convivialité. Les ouvriers / ouvrières rentrent à l’atelier à l’adolescence, ils y passent leurs journées, y mangent, y amènent leurs enfants, parfois y dorment. Le patron est paternaliste, il prête quand on a des problèmes, il joue aussi le rôle de caisse d’épargne. Certains personnages reviennent au cours du film, comme cet ouvrier homosexuel qui semble l’ami de tous et qui arrondit ses fins de mois sur les sites de rencontre

Les objets pieux semblent relever de la superstition mais il y a une vraie ferveur dans la foule de jeunes et de vieux qui se pressent dans l’église pour la messe et, à la sortie, pour faire bénir leur voiture !

Un film intéressant auquel certains ont reproché un parti pris trop bienveillant, pas assez critique sur les conditions de travail.

 

Now I’m in the Kitchen de Yana Pan (USA - 5 mn)

Petit film d’animation assez joli sur une chinoise féministe qui a voulu fuir ses parents et qui, à la trentaine, évoque avec tendresse la cuisine de sa mère.

 

Les films à éviter :

The Invisible Frontier de Mariana Flores Villarba (Mexique - 84 mn)

Un film sans intérêt sur des militaires dans une ile perdue au large du Mexique. Bien sûr la guerre avec les gangs de la drogue est évoquée dans les conversations mais le film traine en longueur et la séquence complaisante du cyclone à la fin n’arrange rien.

 

A Night Song de Felix Lamarche (Canada - 45 mn)

Un film assez dérangeant car il filme en direct la mort assistée (permise au Canada), chez elle, d’une vieille dame, Noella, attente d’une tumeur et parente du réalisateur. Celui-ci a bien sûr l’accord de toutes les personnes impliquées et il fait dans la sobriété mais cela ne dissipe pas le malaise du spectateur (en tout cas le mien) qui se sent coupable de voyeurisme.

 

Kayu Besi de Max Sänger (Allemagne - 28 mn)

Un film assez convenu sur la déforestation des forêts indonésiennes par des petits paysans locaux.

 

Tropic Fever de Mahardika Yudha (Indonésie, NL - 59 mn)

Un film sans intérêt sur la colonisation hollandaise à Sumatra. Des films d’archives mis bout à bout avec un peu de voix off. Un film à présenter dans un musée mais dont on ne voit pas ce qu’il fait dans la sélection du festival !

 

Marine Target de Lukas Marxt (Autriche - 10 mn)

Un film sans intérêt sur des plateformes utilisées comme cibles pour entraîner les aviateurs américains avant le lancement des bombes atomiques sur le Japon. On comprend le côté symbolique mais le film est un pur exercice esthétique de zoom avant puis arrière sur la plateforme !

 

Why My Mom Loves Russell Crowe de Emma van der Berg (UK, NL - 25 mn)

Le sujet est intéressant : une mère mutique sur le viol (incestueux) qu’elle a subie quand elle avait 12 ans. Mais la réalisation tient du film d’amateur et rend le film sans intérêt.

 

Landscapes de Hernan Fernandez (Argentine - 65 mn)

Un film assez mystérieux sur les souvenirs et la mémoire. Une mère âgée et sa fille, dans la cinquantaine, vivent dans une ferme en Argentine. Il semble qu’elles aient quitté l’Ukraine depuis de nombreuses années et qu’elles habitaient dans la région de Tchernobyl. La mère alitée entretient sa mémoire en essayant de se rappeler et de réciter les poèmes qu’elle a écrit, la fille dessine des paysages (de son pays natal ?). Emotion sur les visages. La fille parait forte (on la voit traire les vaches ou couper du bois) mais elle s’effondre en sanglots à un moment sans que l’on comprenne bien pourquoi. Assez beau formellement mais un peu obscur, on reste sur sa faim.

 

The Debutante de Elizabeth Hobbs (UK - 8 mn)

Court film d’animation sans intérêt.

 

Jacques Champeaux

 

 

 

 

Jacques Champeaux

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