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Réalisation : Jean-Claude Brisseau - Assistante: Virginie Legeay - Photographie et son: David Chambille - Montage: Maria-Luisa Garcia et Julie Picouleau - Décoratrice: Clémence Bry - Costumes: Maria-Luisa Garcia - Production: La Sorcière rouge - Distribution: Les Acacias.
Avec :
Virginie Legeay (Dora), Jean-Claude Brisseau (Michel Deviliers), Claude Morel (l’ami médecin), Lise Bellinck (Lise Vilers), Sébastien Bailly (le fou) , Anne Berry (la Mort), Emmanuel Noblet (son exécutant).
Personnalité dérangeante, cinéaste autodidacte et marginal, Jean-Claude Brisseau réalisera longtemps ses films, dont le réalisme est volontiers rehaussé par des touches de fantastique, tout en enseignant le français. Ceux-ci traitent de la violence sociale, du mysticisme et du plaisir féminin. En août 2012, il reçoit une importante reconnaissance du jury officiel présidé par le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, au 65ème festival de Locarno qui lui décerne le Léopard d'or pour ce onzième long métrage. Il a dirigé Bruno Cremer dans 3 films: Un jeu brutal, De bruit et de fureur et Noce blanche.
Résumé :
Michel, professeur de mathématiques à la retraite, vit seul depuis la mort de sa femme et occupe ses journées à l’écriture d’un essai sur les croyances qui façonnent la vie quotidienne. Un jour, il recueille Dora, une jeune femme sans domicile fixe, qu’il trouve blessée sur le pas de sa porte et l’héberge le temps de son rétablissement. Sa présence ramène un peu de fraîcheur dans la vie de Michel, mais peu à peu, l’appartement devient le théâtre de phénomènes mystérieux.
Analyse :
Ce film a été tourné en numérique pratiquement sans budget dans l’appartement non retouché du cinéaste, tapissé de ses affiches de cinéma et de ses livres, avec lui-même et son assistante dans les rôles principaux. La jolie Dora qui débarque un beau soir de nulle part est à la fois dans la séduction et sur ses gardes. Elle se sent vite chez elle et se prend d’une réelle d’affection pour le vieil homme. Michel/Brisseau repousse paternellement les avances de la jeune femme qui lui rappelle cependant sa défunte compagne, à un point tel qu’il croit voir en elle sa réincarnation et s’accroche à l’idée qu’aurait bénie Cocteau que les amants séparés par la mort auraient ainsi la faculté de se retrouver périodiquement.
La coexistence d’un réalisme quotidien avec des bouffées de fantastique visuel et auditif survient à tous moments (vision érotico- mystique en profondeur de champ d’un superbe plan préraphaélite -une jeune femme nue allongée sur une draperie- repris du reste sur l’affiche du film, agitation mystérieuse dans le couloir que traversent des spectres). Brisseau impose le surnaturel dans un endroit aussi banal qu’un appartement parisien,? il évoque les esprits autour d’une table et réussit à nous convaincre que les fantômes nous environnent.
Avec son corps lourd et son visage buriné l’acteur n’a évidemment pas le talent de comédien de Depardieu, dont il rappelle un peu l’allure générale, mais ses maladresses et sa façon de se mettre à nu devant la jeune femme sont à la fois touchantes et fascinantes. Il ose se mettre en scène avec autodérision, et déploie une fraîcheur et une sincérité humaine troublantes et attachantes. Son interprétation brute de décoffrage ne doit pas faire oublier d’applaudir Virginie Legeay, d’un naturel confondant et qui explore avec un innocent acharnement le bonhomme Brisseau.
Surgi lui aussi de nulle part ce film de chambre qui baigne dans un ésotérisme distancié, souligné par le sublime adagietto de la 5ème symphonie de Mahler, se présente comme une fable, un conte dans lequel un ogre bienveillant se fait tout petit devant une poupée et où tous deux prennent soin l’un de l’autre dans la complicité. Bien loin de le trouver dans le registre ambiguë voire scabreux où il l’attendait, le spectateur contemple avec surprise et émerveillement le film le plus chaste du réalisateur.
Jean-Michel Zucker
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