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Réalisation : Spike Jonze - scénario : Spike Jonze – Image : Hoyte Van Hoytema – Décors : Austin Gorg – Montage : Jeff Buchanan et Eric Zumbrunnen – Musique : Arcade Fire - Société de distribution : France Wild Bunch
Avec :
Joaquin Phoenix (Theodore Twombly), Amy Adams (Amy), Rooney Mara (Catherine), Scarlett Johansson (la voix de Samantha), Spike Jonze (voix du bébé alien).
Etatsunien né Adams Spiegel en 1969, Spike Jonze fut un passionné de la planche à roulettes et y consacra ses premières vidéos. Grand auteur de clips musicaux (Daft Punk, Bjork), il produisit la série télé burlesque Jackass, mais sera connu des cinéphiles pour son premier long métrage Dans la peau de John Malkovich (1999). Les suivants (Adaptation, 2002 ; Max et les Maximonstres, 2009) feront moins de bruit. Proposé aux Oscars 2014 à de nombreux titres, Her a remporté celui du meilleur scénario.
Résumé :
Séparé depuis peu de son épouse, divorce en cours, Theodore est mal dans sa peau et cherche compagnie sur internet, son milieu de travail (il est écrivain public, version 2.0). C'est le nouveau système d'exploitation de son ordinateur, capable de s'adapter à la personnalité du client, qui répondra à ce besoin.
Analyse :
De la science-fiction ? A peine, tant ce que nous voyons sur l'écran de Her semble quotidien, même si nous ne le pratiquons pas tous. Pilotage vocal de l'ordinateur, dictée de textes, impression manuscrite, correcteur d'orthographe, grammaire et style ; gestion d'agenda et de courriels... ; en ce qui concerne le décor, bureaux paysagés avec moquette genre galerie commerciale, et gratte-ciels futuristes de Los Angeles ; en ce qui concerne les comportements, passants affairés parlant à leur menton et se croisant sans se regarder – on ne prend plus désormais pour des fous les solitaires qui monologuent, une ficelle pendant à leur oreille. L'étape supplémentaire, un petit pas pour l'informatique mais un grand bond pour l'humanité, serait donc celle que Theodore découvre avec surprise : son système d'exploitation est non seulement très performant, c'est pour ça qu'on le paie, mais aussi spirituel, prévenant, sensible... et finalement amoureux.
N'est-ce pas là le piège dramaturgique où le film est tombé ? L'idée d'une intelligence artificielle très élaborée – dès les débuts, le critère du succès dans ce domaine a été l'impossibilité de reconnaître si l'on a affaire à une machine ou à un être humain ¬– conduit S. Jonze à faire de Samantha... rien d'autre qu'une voix derrière laquelle semble vivre une vraie femme ! Dès 1930 (La voix humaine), Jean Cocteau avait mis sur scène la conversation émouvante d'une femme seule avec un combiné ; puis les téléphones roses et leurs successeurs ont abondamment exploité les ressources érotiques de la relation vocale. L'histoire d'amour entre Theodore et son ordinateure, avec ses épisodes d'émerveillement, de jalousie, de déception, se déroule dès lors en toute banalité, son caractère exceptionnel se manifestant seulement par l'énormité des chiffres de l'infidélité de Samantha : 641 amours simultanés, et plusieurs dizaines de milliers de relations... on se croirait sur Facebook !
Cette évocation fait émerger une autre lecture du conte philosophique. Ce personnage voué au factice, habitué à un monde virtuel où l'on croit tout contrôlable – où l'on règle le niveau de difficulté du jeu afin de gagner, où l'on définit l'aspect et le caractère désirés du partenaire – ce pauvre Theodore, prisonnier du cocon de paramètres rassurants qu'il a tissé autour de lui, s'avère incapable de se risquer dans une relation humaine. Les comparses qu'il fréquente n'ont pas plus de réalité que sa Samantha de synthèse, parce qu'ils sont eux aussi formatés sur le même modèle à base de narcissisme. Tous deux abandonnés par leur logiciel-mon-mari (ou ma-compagne), Amy et Theodore vont-ils avoir le courage de se regarder en face ? On le leur souhaite, mais on s'est pas mal ennuyé, quand même.
Jacques Vercueil
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