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Avec :
Zhao Tao (Qiao), Liao Fan (Bin), Xu Zheng, Casper Liang, Feng Xiaogang…
ia Zhang-ke est né en 1970 à Fenyang (nord-est de la Chine). Après des études à l’école des beaux-arts, il entre à l’université de cinéma de Pékin. Ses deux premiers films, Xiao Wu, artisan pickpocket (1997) etPlatform (2000), « Montgolfière d’or » au Festival des 3 continents de Nantes, le font connaître en Europe, mais lui valent une interdiction de tournage dans son pays. Il devra attendre la libéralisation de la politique cinématographique de la Chine pour poursuivre son œuvre : The world (2004), Still life (2006, Lion d’or à Venise), Dong (2006, documentaire), 24 City (2008, documentaire), I wish I knew (2010, documentaire), A touch of sin (2013, Prix du scénario à Cannes), Au-delà des montagnes (2015).
Résumé :
2001, Qiao vit en couple avec Bin, chef de la pègre locale de Datong, ville livrée à de juteux marchés immobiliers. Alors que Bin est attaqué par une bande rivale plus jeune, Qiao prend sa défense à coups de revolver. Ce qui lui vaut une condamnation à cinq ans de prison. A sa sortie, Qiao part à la recherche de Bin et tente de renouer avec lui. Mais il refuse de retourner avec elle à Datong. Dix ans plus tard, Bin, cloué dans un fauteuil roulant, retrouve Qiao, restée fidèle au pacte de « droiture et fidélité » du Jiang-Hu(mot qui désigne à la fois la marge et la pègre).
Analyse :
« Dans la vie quotidienne des Chinois d’aujourd’hui, je constate une perte profonde de cette relation d’engagement réciproque, et elle affecte aussi les souvenirs » : pour Jia Zang-khe, cette perte, qu’il évoque à propos de son précédent film Au-delà des montagnes, est liée aux ruptures économiques et sociales actuelles. Les Eternels fait de l’évolution sur une quinzaine d’années du couple Qiao / Bin le miroir de la désagrégation des cadres de vie traditionnels. En témoigne la scène où Qiao, de passage au barrage des Trois Gorges, chantier hautement symbolique du cinéma de Jia Zang-khe (Still life, Dong), voit la pancarte annonçant l’engloutissement sous les eaux des villages environnants.
Trois étapes scandent le parcours du couple, donnant lieu à une diversification de la forme du film. A l’orée des années 2000, Qiao et Bin, qui tiennent une salle de jeu clandestine et règnent sur la pègre locale, plongent dans le clinquant de la modernité occidentale qui envahit la Chine. La caméra de Jia Zang-khe se fait virevoltante pour suivre les deux amants dans un univers de boîtes de nuits et de cocktails. L’attaque contre Bin met fin brutalement à ce tourbillon ; l’image se fige avec les coups de feu de Qiao.
Lorsque la jeune femme, sortie de prison, entreprend un long périple pour retrouver Bin, le film s’ouvre sur de vastes espaces défigurés par une urbanisation effrénée et la ruée des trains à grande vitesse. L’errance de Qiao fait écho à l’exode de toutes ces victimes des mutations industrielles croisées dans les cars, trains et bateaux. Quelques rencontres, comme celle avec un pseudo chasseur d’ovnis, laissent entrevoir d’autres chemins possibles. Mais Qiao poursuit obstinément sa quête ; laquelle s’achève dans une chambre d’hôtel miteuse. Là, les deux amants, enclos dans un cadre exigu et oppressant, actent la fin de leur compagnonnage.
Dix ans plus tard, Bin, diminué par les épreuves physiques et morales, revient à Datong et trouve refuge auprès de Qiao. Celle-ci, fidèle à son engagement initial dans la pègre, a repris son ancienne place de tenancière. Mais le décor a perdu de son lustre d’antan et porte les marques de l’usure du temps. A la toute fin du film, en l’absence de Bin de nouveau disparu, il ne reste plus qu’une image sans relief de vidéo-surveillance dans laquelle se fond la silhouette de Qiao.
Porté par la formidable Zhao Tao, complice de tous les films de Jia Zang-khe depuis The world, Les Eternels résonne de tous les bouleversements qui affectent les rapports sociaux et affectifs de notre Humanité actuelle.
Yves Ballanger
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