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Fiche technique :
Réalisation et scénario : Jonathan Glazer, d’après le livre éponyme de Martin Amis. Montage : Paul Watts. Photographie : Lukasz Zal. Ingénieur du son : Johnnie Burn. Costumes : Malgorzata Karpiuk. Décorateurs : Chris Oddy, Katarzyna Sikora. Compositeur : Mica Levi. Producteur : Ewa Puszczynska. Distribution : Bac Films.

Avec :
Christian Friedel (Rudolf Höss), Sandra Hüller (Hedwig), Johann Karthaus ( Claus Höss) Luis Noah Witte (Hans Höss)

La zone d'intérêt (The Zone of Interest)

Etats-Unis d'Amérique, Royaume-Uni, Pologne, 2023, 106min.

Cannes 2023, Grand Prix et prix de la Fipresci

Réalisation : Jonathan Glazer

Biographie :

Jonathan Glazer, né en 1965 au sein d’une famille juive de Londres, est un réalisateur britannique qui a d’abord créé des clips publicitaires avant de se tourner vers le cinéma : Sexy Beast en 2000, Birth (2004) et Under the skin (2013), un film de science-fiction couronné de succès. La zone d’intérêt a reçu de nombreux Prix (Grand Prix du jury à Cannes, Oscars, Golden Globes, etc.).

Résumé :

La vie quotidienne du directeur du camp de concentration puis d’extermination d’Auschwitz (Pologne, 1,1 million de morts, 90% de juifs, bébés comme vieillards, dont 900.000 dès leur arrivée, généralement en train, entre 1940 et 1945, selon Wikipedia) et de sa famille, dans leur maison de fonction.

Analyse :

Une musique électronique lugubre et de très, très longues minutes d’écran noir marquent le début du film : on va descendre en enfer. Le récit commence, on se retrouve vite dans la maison de fonction des Höss et de leurs cinq enfants, entourés d’une nuée de serviteurs, bonnes polonaises, détenues juives et hommes de main venus du camp. La maison jouxte le camp et les murs qui entourent le jardin sont rehaussés de barbelés, comme ceux du camp, tandis qu’on aperçoit des miradors, des soldats SS et surtout les cheminées et les fumées. On ne verra rien de l’intérieur du camp, l’essentiel restant hors champ, mais on entendra, de jour comme de nuit, qu’on soit dans le jardin ou dans la maison, des coups de feu, aboiements de chiens, cris, ordres et hurlements, ainsi que le grondement incessant de la machinerie. Le tour de force est qu’il y a deux films en un. Il y a celui qu’on voit, avec ce couple infernal, Hedwig Höss, vautrée dans sa splendeur de petite bourgeoise parvenue qui veille à la carrière de son mari, et ce dernier qui redouble de zèle et d’imagination pendant les réunions de SS pour aller au-devant des désirs de Himmler afin d’améliorer l’organisation concentrationnaire et l’efficacité de la Solution finale. Et il y a l’autre film, celui qu’on entend seulement mais avec les images qui nous viennent de témoins comme Elie Wiesel ou Primo Levi : la rampe d’arrivée des prisonniers et le tri, les châlits surpeuplés, la faim, les maladies, les humiliations multiples, les pendaisons sommaires, les expériences médicales, les salles de ‘désinfection’- gazage et les fours crématoires. La zone d’intérêt ce sont 40 kilomètres carrés, dans lesquels le réalisateur pose un regard d’entomologiste sur cette famille et cet endroit jugé ‘paradisiaque’ par Hedwig. Comme dans une téléréalité, grâce à quelques dix caméras, on voit les Höss vivre, dormir, manger, faire la fête, se baigner, partir à l’école ou recevoir des colis venus du camp, boîtes de conserves, vêtements des victimes et même un manteau de vison. Le film est remarquable en tous points, quasiment insoutenable du fait de l’utilisation de l’espace et de la mise à distance de la tragédie, et par le jeu des acteurs. Sandra Hüller excelle à incarner la gestuelle autoritaire, capricieuse, parfois hystérique, de cette femme sans scrupules et cruelle. Après les emblématiques Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1956) et Shoah (Claude Lanzmann, 1985), Jonathan Glazer voulait une forme qui fut adaptée au public d’aujourd’hui, chaque génération devant, selon lui, ‘s’interroger sur la façon de reformuler cette tragédie’. Mission accomplie.

Françoise Wilkowski-Dehove

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