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Réalisation : Justine Triet, coscénariste avec Arthur Harari ; image : Simon Beaufils ; montage : Laurent Sénéchal ; distribution France : Le Pacte.
Avec :
Sandra Hüller (Sandra), Swann Arlaud (Vincent), Milo Machado Graner (Daniel), Antoine Reinartz (l'avocat général), Samuel Theis (Samuel), Jehnny Beth (Marge Berger), Saadia Bentaïeb (Nour), Camille Rutherford (Zoé), Anne Rotger (la Présidente), Sophie Fillières (Monica la marraine).
Justine Triet, née en 1978, étudie aux Beaux-arts et commence par des documentaires (2006 Sur place, 2008 Solférino, 2010 Des ombres dans la maison). La fiction commence avec le court métrage Vilaine fille, mauvais garçon (2012), 'meilleur film européen' à la Berlinale et Grand prix du Festival Premiers plans d’Angers. Son premier long est La Bataille de Solférino, retenu par ACID au Festival de Cannes 2013, où suivent en 2016 Victoria (Semaine de la critique) et en 2019 Sibyl (Compétition officielle). Avec Anatomie d'une chute, Justine Triet devient la troisième femme à obtenir une Palme d'or à Cannes.
Résumé :
Deux écrivains, Sandra et Samuel, vivent depuis un an loin de tout avec leur fils Daniel, 11 ans, malvoyant depuis un accident dont le père se sent responsable. Lorsque ce dernier est retrouvé mort au pied de leur maison, une enquête est ouverte : suicide ou homicide ? Sandra est inculpée ; un an plus tard, Daniel assiste au procès.
Analyse :
Dans ce film qui dissèque les convulsions d'une famille, l'intérêt ne réside pas tellement dans la solution de l'énigme - Sandra a-t-elle tué ? - que dans les méandres d'une recherche de la vérité. Ils sont ici alimentés par les personnalités des protagonistes, particulièrement celle de Sandra, et par un fonctionnement de la justice un peu surprenant. La dimension documentaire du procès et celle, psychologique, de l'évolution des personnages sont ainsi les deux piliers de lecture du film.
Le procès est si terre à terre, à commencer par la juge, que tout y paraît improvisé, et donc tout peut arriver, ce qui ajoute au suspense ; il est marqué par la pauvreté des éléments factuels dont disposent les enquêteurs pour éclairer leur jugement : du coup, tout repose sur des paroles, celle des acteurs, des témoins, des experts, ainsi que des autres intervenants (avocats et juge) qui nous abreuvent de leurs interprétations psychologiques.
La réalisatrice déclare, en commentaire sur son film, qu'elle l'a écrit 'pour Sandra Huller', et celle-ci en effet mange la scène par son écrasante personnalité ; actrice étonnante, elle déploie une panoplie d'attitudes et d'émotions qui semble capable de tout exprimer, de rendre tout propos crédible et par là même... suspect. Face à elle, deux avocats aux antipodes l'un de l'autre : l'un, professionnel aguerri, tellement du genre Von Stroheim que l'on cherche où sont ses bottes... l'autre, fait pour attendrir, jouant l'amateurisme roublard. Deux jongleurs échangeant des balles de vérités possibles ! En face de ces gros calibres, Samuel le père n'est plus qu'un pantin attendrissant que font danser les baguettes des vrais joueurs.
Et au cœur de ce dispositif déroutant, le gamin dont l'étonnante maturité d'intelligence et de perception est finalement peu crédible, avec ses réparties de brillant scénariste ; mais on ne sera pas surpris que, mis au pied du mur, il ne puisse dire autre chose que ce qui lui évite de rester seul dans la vie, sa mère en prison...
Les 150 minutes de ce spectacle ne se sentent pas passer. Simple, dépouillé, sans musique autre que parfois le piano de David, linéaire dans son déroulement, sa seule analepse* est cette dispute déstabilisante qui, par sa révélation tardive, donne au film et à ses personnages davantage d'évolution et de profondeur. Quelque peu plombé par la désastreuse déclaration de Justine Triet à réception de sa Palme, ce bon film passionnant et attachant ne devrait pas en souffrir.
* Flashback en français (et prolepse pour flashforward)
Jacques Vercueil
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