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Festival de Locarno 2023

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Echos du Festival de Locarno 2023

LE FESTIVAL

 

Du 2 au 12 Août 2023, le Festival de Locarno a présenté 214 films dont la moitié en première mondiale.

Ces œuvres se retrouvent dans 11 sections dont les plus importantes sont :

-  La COMPETITION INTERNATIONALE avec 17 films, section dans laquelle seront remis le « Léopard d’or » et le prix du Jury Œcuménique.

-  Les CINEASTES DU PRESENT avec 15 films, une sélection de premiers et deuxièmes longs métrages.

-  La RETROSPECTIVE cette année consacrée au cinéma mexicain classique et populaire avec 36 films des années 1940 à 1960.

-  La PLAZZA GRANDE, salle en plein air de 8000 places avec écran géant où sont projetés cette année 16 films qui concourent pour le Prix du Public remis le dernier soir.

 

LA SOIREE D’OUVERTURE

 

Avec présence et discours de Alain BERSET, Président de la Confédération Suisse en 2023 et Conseiller Fédéral chargé de la culture depuis 10 ans, et de Marc SOLARI, Président du Festival depuis 23 ans.

Tous deux vivent leur dernier festival dans leurs fonctions respectives.

Marc SOLARI terminait son discours en disant « Le fait que le cinéma puisse encore créer un sentiment de communauté, élargir les horizons et nous rendre peut-être meilleurs, me fait envisager l’avenir avec confiance ».

 

LE 50e JURY ŒCUMENIQUE

 

-  Historique

C’était en 1973. Il y avait déjà dans d’autres festivals des Jurys chrétiens : un jury catholique, nommé par l’OCIC (devenu SIGNIS en 2002) et un jury protestant nommé par INTERFILM. A Locarno, lorsqu’il a été envisagé de créer deux jurys, le Président Moritz de HADELN a déclaré « A Locarno, ce sera un jury Œcuménique ou rien du tout ». Ainsi fut créé le premier jury Œcuménique suivi ensuite de beaucoup d’autres (Cannes 1974 …).

 

-  Le 50e Jury en 2023 est composé de

·  Petra BAHR, Présidente, Hanovre, Allemagne

·  Micah BUCEY, New York, Etats Unis

·  Marie-Thérèse MäDER, Zurich, Suisse

·  Joachim VALENTIN, Frankfort, Allemagne

 

Chrétiens engagés, théologiens, enseignants, ces jurés voient, analysent tous les films en compétition et délibèrent en toute indépendance. Ils priment un film qui exprime des valeurs humaines et positives, et illustre les valeurs de l’Evangile telles que : justice, paix, réconciliation, sauvegarde de la création …

 

PRESENCE ET TEMOIGNAGE ŒCUMENIQUES

 

-  Réception et prix d’honneur remis à Istvan SZABO

Pour fêter le 50ème anniversaire du jury Œcuménique, INTERFILM et SIGNIS ont souhaité remettre un prix spécial au réalisateur hongrois, Istvan SZABO, qui a reçu plusieurs récompenses dont :

-  Le prix du jury Œcuménique à Locarno en 1974, à Berlin en 1992

-  L’Ours d’or à Berlin en 1980

-  L’Oscar du meilleur film étranger en 1981

-  Le Prix du jury officiel au Festival de Cannes en 1985

 

Il présente cette année un film réalisé en 2020 « ZAROJELENTES » (Final Report) dans la section « Histoire du Cinéma », excellent film dont je reparlerai plus loin.

 

-  Célébration Œcuménique

Elle se tenait dans l’Eglise catholique de la vieille ville en présence du Président Marc SOLARI.

La prédication, en partie en allemand, en italien, ou en français, était apportée par Marie-Thérèse MäDER, membre du jury Œcuménique.

 

PRIX DU JURY ŒCUMENIQUE : PATAGONIA de Simone BOZZELLI (Italie) – 1h52

 

Motivation du jury : « Où se situe la frontière étroite entre dépendance et liberté ? Entre amour et soumission ? Entre empathie et responsabilité ? Yuri, vulnérable et protégé, quitte sa maison pour suivre Agostino, un artiste mystérieux, plein d’énergie sombre. Leur relation les entraîne tous les deux dans un dangereux voyage vers eux-mêmes.

« PATAGONIA » oscille entre violence et délicatesse, obsession et découverte de soi. Le film plonge les spectateurs dans un espace ambigu où le changement et l’espoir sont possibles. »

 

MENTION SPECIALE DU JURY ŒCUMENIQUE : film de Radu JUDE (Roumanie) – 2h43

NU ASTEPTA PREA MULT DE LA SFARSITUL LUMII (Do Not Expect Too Much of the End of the World)

 

Motivation du jury : « Le film suit l’histoire d’Angela, une assistante de casting, qui parcourt Bucarest jour et nuit pour une société de production à la recherche d’acteurs authentiques pour un film d’entreprise. Ce-faisant, elle enregistre des vidéos de TikTok agressives et obscènes pour canaliser sa frustration. Le résultat est une production cinématographique dans laquelle des personnes exploitées sont instrumentalisées pour le « whitewashing » d’un groupe d’assurance d’Europe occidentale. Le réalisateur Radu JUDE combine avec brio différents niveaux de périodes dans le temps et différentes sortes de médias. Les séquences tournées en noir et blanc de l’intrigue centrale sont interrompues par un film roumain en couleur au centre duquel se trouve également une conductrice de taxi avec ses questions essentielles. Le film séduit par sa critique concise du capitalisme et son mode autoréflexif. Les protagonistes d’Europe de l’Est conservent leur souveraineté culturelle malgré les conditions de travail répressives. »

MON COUP DE CŒUR : ZAROJELENTES (FINAL REPORT)

 DE ISTVAN SZABO (HONGRIE), 2020 - 1h58

 

Le Dr Stephanus, cardiologue, est contraint de prendre sa retraite. Il retourne exercer comme généraliste dans son village natal où il retrouve sa mère, quelques amis et un maire jeune, peu scrupuleux et arriviste. D’abord bien accueilli, ce médecin connaît ensuite les jalousies, les rumeurs, les mensonges qui le heurtent, le déçoivent et divisent la population. Doutes… Incertitudes… Fantômes du passé…

Ce film m’a profondément touchée par la manière dont ce médecin vit son sacerdoce, fidèle au serment d’Hippocrate, quoiqu’il advienne. C’est un film vrai, profond, humain, émouvant sans être mélo. Le réalisateur Istvan SZABO, présent dans une salle comble, a reçu une ovation du public pendant de très longues minutes, comme je ne l’ai jamais vécue à Locarno, ovation bien méritée qui m’a émue aux larmes.

Ce film de 2020 n’est pas sorti de Hongrie à cause du Covid. J’espère que maintenant il trouvera des distributeurs à l’étranger.

 

MES FILMS PREFERES

 

1) SHAYDA de Nora NIASARI (Australie) – 1h58

Une jeune mère iranienne, SHAYDA, victime d’un mari violent et sa fille Mona, 6 ans, trouvent refuge dans un centre pour femmes en Australie. Séparée de son mari, elle souhaite divorcer, mais le mari les rejoint, obtient un droit de visite pour sa fille et fait pression sur elles…

Ce film traite de sujets universels : la liberté, le respect de l’autre, la dignité humaine… On suit avec émotion les difficultés de cette mère, les souffrances de Mona tiraillée entre son père et sa mère… Un film profondément humain, utile, nécessaire, qui donne espoir à toutes les femmes qui se battent pour leurs droits fondamentaux et pour vivre enfin libres et libérées de toute pression et oppression.

 

2) THE OLD OAK de Ken LOACH (UK, France, Belgique) – 1h54

Présenté à Cannes en compétition, ce film a reçu cette année une mention spéciale du Jury Œcuménique. A Locarno, il a reçu le très convoité Prix du Public de la Piazza Grande.

L’œuvre de Ken LOACH est sociale, humaine, dénonciatrice des injustices et recherchant toujours la valorisation de tout être humain, la dignité, la solidarité…

Ce film présente les habitants d’une région sinistrée dans le Nord-Est de l’Angleterre, face à l’arrivée de réfugiés syriens qui fuient les conflits armés. Le village est divisé, une partie soutient les réfugiés, une autre est hostile. La majorité du film se passe dans un pub « The Old Oak », lieu d’échange et de partage.

« The Old Oak », un film utile, poignant, d’actualité, avec son lot de tragédies, de solidarité, de méchanceté… Il y a de la haine, de la bière (beaucoup), de la colère, de l’humanité aussi, et de l’espoir. A 87 ans, Ken LOACH est toujours le même, révolté mais croyant que les choses peuvent changer. Il dit : « Il faut écouter, agir, construire, lutter contre la haine, la précarité, la pauvreté. La solidarité est ce qui suscite l’espoir. »

Je me réjouis que le public de Locarno ait été sensible à ce film qui nous émeut et nous interpelle.

CHOUKRANE (merci en Syrien) monsieur Ken LOACH.

3) VOYAGE AU POLE SUD, de Luc JACQUET (France) – 1h23

On voyage dans un film en noir et blanc, de la Patagonie au Pôle Sud. On écoute Luc JACQUET en voix off raconter, commenter ces images avec poésie, avec réalisme, avec nostalgie parfois lorsqu’il parle de ce continent qui disparaît et qu’il aime tant.

C’est une aventure visuelle qui nous fait découvrir au-delà des mots un monde inconnu et attachant.

 

 

MA RENCONTRE AVEC LUC JACQUET

 

Luc JACQUET est né en 1967 à Bourg-en-Bresse, et a passé son enfance à arpenter les montagnes et à vagabonder.

En 1991, il obtient une Maîtrise en Biologie Animale à Lyon, et se destine à être chercheur en comportement animal. C’est dans le cadre de sa formation scientifique qu’il part pour un premier voyage de 14 mois étudier les manchots empereurs. Ce sont ses premiers contacts avec ce continent et ces animaux et l’occasion pour lui de faire une formation de cameraman. Après cette expérience, il devient réalisateur et tourne plusieurs documentaires animaliers en courts métrages qui reçoivent divers prix dans les festivals.

C’est en 2005 qu’il est révélé par son premier long métrage « La Marche de l’Empereur », qui est le deuxième plus grand succès documentaire de tous les temps. Ce film reçoit de nombreux prix dont l’Oscar du meilleur documentaire.

 

LUC JACQUET SE LIVRE, SE CONFIE ET REPOND A NOS QUESTIONS

« Mon plus grand plaisir, c’est quand les gens me disent : merci de m’avoir fait rêver. Le premier réalisateur qui m’a fait rêver était Jacques COUSTEAU, qui m’a révélé un monde inconnu.

Le cinéma a un pouvoir immense. Le succès de mes films m’a permis de rencontrer le public, et ça c’est un cadeau. »

« Parmi mes réalisations, mon film préféré ? C’est « La Glace et le Ciel », présenté pour la première fois au Festival de Cannes en film de clôture en 2016. C’est mon film le plus libre, le plus audacieux réalisé avec un petit budget. C’est un film atypique, et pour moi le plus tendre.

Mais je déteste regarder mes films, j’y vois trop les difficultés qu’on a eues, les faiblesses, ce qu’on aurait pu faire, ce qu’on a raté… »

« Des jeunes ont manifesté le soir de la projection ? Oui, ils sont montés sur la scène de la Piazza Grande, me reprochant que mon film ne parlait pas du réchauffement climatique. Je peux comprendre leur souci pour l’avenir, mais je désapprouve totalement cette méthode, cette violence et cette colère exprimée… Ce n’est pas une manière d’attirer l’attention et de faire changer les choses »

« Mes relations avec les animaux ? Vous n’imaginez pas les relations que l’on peut avoir avec les animaux du Pôle. Ils n’ont jamais vu d’hommes, ils n’ont jamais été chassés. Pas de prédateurs, alors ils n’ont jamais peur de nous. Ainsi, tout en gardant mes distances, je vis parmi eux, avec eux. Parfois ils viennent se protéger sous la caméra. Et quand on s’assied, ils viennent près de nous. J’ai vécu des moments incroyables : par exemple la naissance d’un manchot empereur. J’ai longtemps cherché, attendu, et puis un jour par hasard je me suis retrouvé au bon endroit.

Vous savez ces animaux n’ont pas la vie facile, parfois les mâles meurent de faim, les femelles dansent pour séduire. Ils peuvent vivre 40 ans, côtoyant la vie, la mort, et comme nous, ils connaissent la tendresse, la solidarité. Quand je les quitte, je ressens une nostalgie incroyable, je mesure alors la valeur de tout ce qu’ils m’apportent. »

J’ai osé poser une question

D.M. : Monsieur JACQUET, pourquoi avoir tourné en noir et blanc ? J’aurais tellement aimé voir ces images comme vous les avez vues, avec votre regard, avec votre émerveillement devant cette nature.

L.J. : J’ai déjà réalisé des documentaires de l’Antarctique en couleur. Cette fois je souhaitais une autre aventure plus intime, plus personnelle, une sorte de voyage intérieur. Ce film n’était pas pour décrire, mais pour faire ressentir l’émotion de ce monde silencieux dans toute sa poésie.

D.M. : Pourtant, à un moment il y a des couleurs bleues sur la glace, un plan séquence féérique.

L.J. : Oui, car c’était tellement beau, et cette couleur crée une telle émotion que je n’ai pas pu modifier ce plan, enlever cette couleur, je n’ai pas pu…

 

Merci monsieur JACQUET de nous faire rêver en couleur, en noir et blanc, et de nous inviter à vivre avec vous ce voyage intérieur empli de grâce et de poésie

Denyse Muller

Mention spéciale du jury oecumenique Cannes 2023

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