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Plan 75

de : Chie Hayakawa , France, Japon 2022, 112min., Festival Fribourg 2023 :Grand Prix, Critic's Choice Award et prix du Jury des jeunes Comundo

Au Japon, dans un futur proche, le vieillissement de la population s’accélère. Le gouvernement estime qu’à partir d’un certain âge, les seniors deviennent une charge inutile pour la société et met en place le programme « Plan 75 », qui propose un accompagnement logistique et financier pour mettre fin à leurs jours. Une candidate au plan 75, Michi, un recruteur du gouvernement, Hiromu, et une jeune aide-soignante, Maria, se retrouvent confrontés à un protocole mortifère.

La mort ? inéluctable. L’euthanasie ? programmée…C’est dans cet esprit que le générique, au flou artistique, aborde la problématique posée par le vieillissement de la population. Devant le plan fixe d’un paysage japonais, nous découvrons la proposition d’un texte de loi : « le plan 75 ».
Ainsi, à partir de cet âge, tout volontaire peut percevoir un pécule contre l’engagement d’en terminer avec son existence dans un délai imparti (injection létale et éventuelle crémation collective). L’un, libre de voyager et/ou de consommer, l’autre choisissant de partager pour sortir de la solitude à tout prix, tous, femmes et hommes se trouvent alors confrontés à un dilemme que chacun déclinera à sa façon.

En 2019, 28,4% de la population japonaise (soit environ 36 millions d’habitants) avait plus de 65 ans, ce qui ne manquait pas de se faire ressentir directement sur l’économie. Recul du PIB, évolution incertaine de l’épargne et de l’investissement, baisse de l’offre de travail et de croissance potentielle, baisse des recettes fiscales du pays. Les différents gouvernements en place ont donc cherché différents leviers pour compenser ces effets négatifs : soutenir l’innovation (et notamment l’intelligence artificielle), avoir recours à l’immigration, faire reculer l’âge de départ à la retraite et tenter de réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes afin d’encourager ces dernières à avoir un emploi. A partir d’un postulat dystopique, Plan 75 évoque pourtant un sujet on ne peut plus d’actualité au Japon. Chie Hayakawa se penche sur une des grandes problématiques de son pays : le vieillissement de la population et le traitement réservé aux personnes âgées.

Tandis que Michi finit par accepter d’être candidate au programme, le jeune Hiromu doit trouver des volontaires, et Maria les accompagne dans leurs derniers instants, ce qui les conduit à affronter de terribles dilemmes personnels et éthiques. 

La réalisatrice arrive cependant à insuffler de l’espoir dans son film. Cet espoir passe par une confrontation directe des personnages aux horreurs du Plan 75. Hiromu ressent un électrochoc lorsqu’il fait face à un client bien trop familier pour lui. Dès lors, il remet en question ses agissements et tente de réparer son erreur en rattrapant le temps perdu avec cette personne. Pour Michi, cet électrochoc est tout aussi traumatisant, puisqu’elle est témoin de la réalité du Plan. Ces personnages retrouvent par la suite l’envie de vivre, et l’humanité que la société leur avait retirée progressivement.                          

Ce film parle de solitude : la solitude des aînés et de tous ceux impliqués dans la bonne réalisation de ce génocide déguisé en politique publique. Plan 75 montre aussi les difficultés rencontrées par les personnes âgées : l’isolement social, la difficulté pour se loger ou pour trouver un travail décent.               

Ce film est très contemplatif, son rythme est lent. La contemplation et la volonté de montrer des plans très descriptifs, larges, ou plus serrés, sont en lien direct avec l’image de la vieillesse. La réalisatrice pose un regard bienveillant et rempli de tendresse sur les principaux personnages. Plan 75 nous invite à nous questionner sur notre rapport à l’autre, au regard sur la vieillesse et le droit de vivre.

Avec Plan 75, qui a reçu la mention spéciale de la caméra d’or au Festival de Cannes 2022, on pense à Soleil vert de Richard Fleischer, La ballade de Narayama de Shohei Imamura ou encore à Voyage à Tokyo d’Ozu.

Florence de Tienda et Philippe Cabrol,

Festival Fribourg 2023 :Grand Prix, Critic's Choice Award et prix du Jury des jeunes Comundo